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L'atmosphère dans la voiture était écrasante. Je m'y attendais, les loups n'aiment pas ignorer quelque chose. Il ne comprendrait pas, il dirait que c'est irrationnel, refuserait mes arguments sans même chercher à saisir pourquoi j'ai agis ainsi. Enfin, tout le monde réagissait comme ceci avec moi, pourquoi est-ce que ce serait différent avec lui ? Je gardais mes yeux baissés, regardais parfois par la fenêtre, mais j'évitais soigneusement de le regarder. Je sentais parfois son regard profond sur moi, mais je faisais semblant de ne rien remarquer. Perdue dans mes pensées qui étaient elles-mêmes accaparées par la sensation d'une de mes lames que je sentais au travers du tissu de mon sac, je sursautais au contact d'un membre chaud sur ma main. Regardant ce dont il s'agissait, je fus surprise de découvrir qu'une main immense serrait la mienne qui avait l'air minuscule entre celles de ce géant. Relevant la tête pour la première fois depuis le début du trajet, je m'étonnais que son regard ne me visait pas. Penser que c'était un geste inconscient semblait improbable, mais le naturel avec lequel il tenait ma main contredisait toutes mes suppositions. Pourquoi faisait-il cela ? Probablement pour me briser le cœur plus durement lorsque je lui aurai accordé ma confiance. Remarquant enfin que je le fixais, il tourna la tête. Le rythme de mon cœur accéléra, et le coin de ses lèvres se releva lorsqu'il le perçut. Sans pouvoir me contrôler, mes yeux détaillaient le Dieu qui me faisait face. Sa peau blanchâtre, les traits si bien dessinés de son visage anguleux, ses cheveux bruns décoiffés et la carrure de ses épaules me laissaient bouche-bée.

Au bout de deux heures des huit prévues pour le voyage, mon traître de ventre se mît à gargouiller, faisant rougir mes joues. Je ne l'ai pas nourris depuis bientôt huit heures. Je ne comprenais pas, je suis habituée à passer de plus grands laps de temps sans manger, pourquoi ai-je faim maintenant ? Mon voisin changea presque immédiatement de voie pour aller dans un des restaurants rapides sur les côtés de l'autoroute.
-Où veux-tu aller ?
Je regardais les quatre restaurants ; un MacDonald, un Starbucks, un Subway et un stratos.
-Le Stratos ?
C'était les premiers mots que je prononçais en deux heures. Il se tourna vers moi, heureux d'entendre ma voix. Sans dire que j'ai la plus belle voix du monde, j'ai une voix cristalline, douce et calme.
-Va pour le stratos.
Il me fit choisir la pizza, et ne marqua aucune déception lorsque je choisis pepperoni fromage. En fait, il semblait emballé à cette idée, peut-être venait-il de nous trouver un point commun.

Le repas se passa dans le silence, sauf lorsqu'il trouvait une question à me poser. Durant le reste du trajet, je fut un peu plus loquace, m'ayant délié la langue au restaurant, mais je ne parlais tout de même pas beaucoup. Au bout de six heures de route, je commençais à être fatiguée. Le remarquant, Antoine m'expliqua comment baisser mon siège sans même que je n'ai dit un seul mot ni une seule plainte. Je l'écoutait et m'endormis presque aussitôt.

L'arrêt du véhicule me réveilla, tandis qu'Antoine se confondit en excuses. Je lui expliquais que ce n'était pas grave en baillant à m'en décrocher la mâchoire. Il se proposa pour porter une de mes deux valises tandis que je ne transportais que mon seul sac à sa demande.

PDV Antoine
Elle est allée se coucher juste après notre arrivée, les yeux cernés, son petit sac à la main, tandis que je portait une de ses valises. Les loups-garous supportant davantage le manque de sommeil, je me portais bien mieux qu'elle. Elle aura sa chambre à elle seule jusqu'à la cérémonie qui la reconnaîtra comme ma femme et compagne, mais sa chambre et la mienne sont communicantes et partagent une salle de bain qui, malgré mes critères élevés, est immense. Je la laissais seule pour qu'elle puisse se changer et allais dans la cuisine. Mon frère et sa compagne louve-garou, que je considère presque comme ma sœur, s'y trouvaient. Nous étions seuls dans la maison que nous trois, en fait, quatre maintenant, habitons. C'était la maison de la famille dominante. Mes parents sont morts il y a quelques années. Ne serait-ce de ça, ils vivraient ici. Daisy me sauta presque dessus.
-Et puis ? Comment est-elle ? Vous êtes-vous embrassés ?
Je ris presque à la dernière question, mais la seconde me restait dans la tête.
-Elle est... Fragile. Exceptionnelle. Et elle me cache quelque chose qui date d'avant notre rencontre, mais je ne sais pas c'est quoi. Et non, nous ne nous sommes pas embrassés.
Daisy grimaça de dépit, tandis que mon frère était toujours tourné vers moi.
-Que veux-tu dire par fragile ?
-Et bien, hésitais-je. C'est une personne douce, mais... C'est comme si elle avait été forte un jour mais que tout avait été balayé par quelque chose. C'est difficile de décrire de telles choses. Vous le verrez demain.
Daisy et Phillipe acquiescèrent, tandis que je prenais un verre d'eau.
-Et, Antoine, laisse-lui de l'espace, si tu veux un bon conseil. Si elle te cache vraiment quelque chose, me dit sur un ton doux ma belle-sœur, elle ne voudrait pas que tu sois constamment sur son dos.
-Ouais, dis-je en hochant la tête.
-Bon, nous on va aller se coucher, déclara Phillipe en prenant sa compagne par la taille.
-Comme si vous alliez vraiment dormir... marmonnais-je. Et ne réveillez pas Joamy.
-Ne t'inquiète pas, nous marcherons à pas de loup, ris ma belle-sœur.
Les deux s'éclipsèrent, tandis que je surveillais le rythme cardiaque de Joamy à l'étage. Celui-ci accéléra brusquement, et, alerté, je montais les marches quatre à quatre. J'ouvrais toutefois la porte doucement, et en fut heureux lorsque je vis qu'elle dormais. Un élan de tendresse me saisit la poitrine en voyant son air reposé. Incapable d'y résister, je m'allongeais à ses côtés.

PDV Daisy
Le lendemain
J'étais réveillée depuis quelques minutes, passant mes mains dans les cheveux de Phillipe pour passer le temps. Un message à travers le lien de meute me fit sursauter. Les loups peuvent communiquer entre eux à travers un lien qui unit les membres d'une même meute et qui soude les liens relationnels. Un des guetteur, Ludovic, avait repéré quelque chose de suspect le long de la frontière, mais rien de vraiment alarmant. Cependant, Antoine ou Phillipe devra y aller. Probablement ce dernier, mon beau-frère étant passablement occupé par l'arrivée de son âme-soeur. Les loups ont droit à des congés dont la durée dépend de leur poste lorsqu'il trouve leur compagne. Si elle est une humaine le temps libre est encore plus long. J'ai hâte de rencontrer celle d'Antoine.
-Amour ? dis-je en caressant la joue de mon compagnon. Il y a un problème sur la frontière est. Tu devrais y aller.
-'Aisse 'oi 'ormi', vas 'oir Anto si ' 'plait.
Ce que je déchiffrais en tant que "laisse moi dormir, vas voir Antoine s'il te plait."
Au moins il a été poli.
Ouvrant hyper délicatement la porte de la chambre de mon beau-frère, je découvris un lit vide. Ce n'était pas étonnant, Phillipe aussi avait du mal à rester dans sa chambre au début de notre relation. Ouvrant la porte de la chambre de Joamy avec encore plus de délicatesse, je fut gênée avant même de voir le lit. Ouf, ils étaient encore habillés. On ne sait jamais. La peur partie, je fus attendrie par leur position. Joamy dormait étendue sur le flanc, tandis que Antoine, la joue sur son visage, la serrait de toutes ses forces contre lui. Un sourire sur le visage, je sortis de la chambre.
-Phillipe, dis-je en m'asseyant sur le lit, je ne peux pas réveiller ton frère, il est avec Joamy.
Avec un grognement, il s'arracha à contrecœur du lit. Je ricanais en voyant son air torturé. Il retrouva son air taquin en posant les yeux sur moi.
-On ne se moque pas sans conséquences de Phillipe le magnifique !
-Il ne se prend pas pour de la merde, le minus !
Riant encore plus, il me plaqua délicatement au mur.
-Et maintenant ? Dis-je avec défi.
-Maintenant, j'ai uniquement envie de t'embrasser !
Je perdis complètement le contrôle lorsque ses lèvres touchèrent les miennes. Plusieurs minutes plus tard, je lui rappelais la raison de son lever précoce.
-La frontière, amour...
Il fronça les sourcils, redevenant sérieux, m'embrassa en guise de salut et alla rejoindre Ludovic.

PDV Antoine
Je me réveillais dans les bras d'un ange, mes biceps musclés serrés autour d'elle comme si ma vie en dépendait. Je desserrais légèrement ma prise, craintif de l'étouffer, mais mon loup refusait que je la lâche complètement. En fait, nous refusions de la lâcher complètement. Elle bougea dans son sommeil, et je me figeais, craignant de l'avoir réveillée. Elle poussa un soupir et se plaça dans une autre position. Sa tête était maintenant posée contre mon torse, sa main droite sur mon cœur, ses cheveux comme un étendard sur mon bras. Dieu que je l'aime... Je posais un baiser contre sa tempe puis la serra fort, attendant son réveil.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant