Je pense qu'une soirée avec la déesse devant moi ne pourrait être gâchée

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Allez lire le mot à la fin s'il vous plaît !
Je paniquais carrément. Les souvenirs voulaient remonter à la surface, et je tentais de mon possible de les repousser.

-J'ai une main dans le plâtre, je te rappelle.
-Tu peux très bien bouger les doigts et nous le savons parfaitement tous les deux. La seule chose que tu ne peux pas bouger, c'est ton poignet.
-Ça fait une éternité que je n'ai pas touché à un instrument de musique ! m'écriais-je, carrément hystérique.
-Pas grave.
Je me retenais de ne pas lever les yeux au ciel. Il me faisait penser à un petit garçon. Depuis que j'ai vu sa chambre, je le perçois d'une façon bien différente d'avant.
-S'il te plait ? Joue pour moi ?
Il me faisait en même temps une expression de chiot battu impossible à résister. C'est pas juste. Soupirant, je rendis les armes.
-D'accord, mais juste une chanson.
Battant des mains comme un petit garcon de cinq ans, Antoine tira un bloc servant de banc du garde-robe bien dissimulé sur le mur du côté. Je ne l'avais pas remarqué lorsque Daisy m'a montré le sous-sol. Je suppose que l'invisibilité du placard était voulue.
-Qu'est-ce que tu veux jouer ? me demanda Antoine.
Il ne comprenait pas à quel point je redoutais de poser mes doigts sur le piano.
-Je ne sais pas.
-Est-ce que tu connais Perfect, de P!nk ?
-Ouais.
-Ben on peut jouer ça.
-Ouais.
-Est-ce que tu vas me dire autre chose que ouais ?
-Ouais.
-Bon, on joue ?
Je tentais de mon mieux de retarder le moment où je devrai toucher le piano, mais je ne voulais pas qu'il sente à quel point ce qu'il me demandait me torturait. Je ne voulais pas le blesser. Je ne veux blesser personne. Mais ça finit toujours par arriver. Je déteste ça.

Sortant de mes pensées, je perçus qu'Antoine me regardait bizarrement, comme s'il comprenait que je ne voulait pas jouer. Mais il ne comprenait rien. Cette fois-ci, il faudra que je lui explique tout. Mais je ne suis pas encore assez forte. J'ai fini par admettre en mon for intérieur que j'avais besoin de lui pour être moins faible. Hors de question toutefois que je l'exprime à voix haute.

Prenant une grande respiration, je posais les mains sur le piano. Les souvenirs voulaient revenir, mais je les gardais bien enfermés dans mon subconscient. Pas maintenant. Pas tandis que je suis en haut dans la montagne russe.

Je plaquais la premier accord, aussitôt suivie d'Antoine, qui n'attendait que je ne me décide pour jouer. Il semblait y prendre un plaisir que je prenais aussi plus jeune, et que je recommençais à percevoir. Ça faisait presque plus de bien que d'avouer à Antoine ce qui s'est passé avec mon père.

La musique retentissait magnifiquement bien dans le sous-sol. Je soupçonnais les murs d'avoir été traités afin de pouvoir dégager un son approprié. Le piano sonnait tellement bien que j'avais peur de le briser. La musique me revenait lentement en tête. C'était comme le vélo, lorsque tu l'apprends, c'est pour la vie. J'avais l'impression d'en avoir fait non-stop pendant toute ma courte et triste vie, c'est-à-dire 18 ans.

Lorsque j'étais petite, je finissais toujours par chanter en jouant, mais ici, je me retenais. J'étais raide, mes doigts claquaient le piano sans que je n'y prenne autant de plaisir qu'autrefois.

-Détends-toi, Joamy !
J'avais l'impression que mon inconfort était subtile, mais ce n'était donc pas le cas. Je tentais de suivre son conseil, mais ce n'était pas évident.

Une voix vint accompagner le morceau. J'étais trop gênée pour chanter, mais j'appréciais la sonorité qu'apportait le chant dans le morceau que nous interprétions. C'était une musique qui n'était faite pour être une chanson instrumentale. Mon inconfort disparut tandis que la voix résonnait contre les murs acoustiques. C'était confirmé, Antoine, Daisy ou Philippe avait fait traiter les murs.

Sans lâcher mon piano, je me tournais vers la provenance de la voix et souris lorsque mon regard croisa les yeux bruns de Daisy. Elle vint s'assoir près de moi, sur le banc, tandis que Philippe s'agenouillait pour brancher l'ampli de sa guitare électrique. C'est donc lui et Antoine qui l'utilisent. Daisy ne me l'a pas mentionné lorsqu'elle m'a fait la visite de la maison. Elle pensait peut-être que je me fiche de Philippe. C'est complètement faux. C'est seulement que je n'ai pas eu l'occasion de m'intéresser à lui. Entre mon poignet, mon humeur et les devoirs de bêta du frère d'Antoine, disons qu'un rapprochement est difficile à imaginer. Mais maintenant que je me suis rendu compte comment rester le plus longtemps possible en haut de la montagne russe, peut-être que je m'en ferai un ami. Ce ne serait pas désagréable.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant