Petit problème en vue

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PARDON ! PARDON ! JE M'EXCUSE! JE SAIS QUE ÇA FAIT UN MOIS, JE SUIS NAVRÉE !

Je me réveillais dans les bras d'Antoine sans que ça ne me fasse ni chaud ni froid. Je sentais que la fille sans émotion, stoïque, était sortie de sa cachette, comme je l'avais prédis. Jetant un coup d'œil autour de moi, je remarquais que je me trouvais toujours dans l'obscurité. Un regard au cadran me confirma que la nuit n'était pas encore terminée. Il restait encore 4 heures avant le lever du soleil. J'aurais peut-être le temps de me couper.

Un marmonnement me fit sursauter. Je l'avais presque oublié celui-là. Je revins sur mes plans : il m'est impossible de me trancher les veines avec Antoine et ses sens de loup dans le coin. J'ai déjà éveillé ses soupçons hier, inutile d'en rajouter. Ses bras se resserrèrent autour de ma taille, comme s'il s'était éveillé. Paniquée, je me retournais face à lui. Son visage angélique arrêta nette mes mouvements. Ses paupières closes et son souffle régulier me confirmèrent qu'il était toujours endormi.

La partie "humaine" de moi-même voulait tendre la main, caresser ses traits, mais la partie insensible était aux commandes, et refusait tout contact non obligatoire. Repousser ses bras le réveillerait probablement et je n'ai aucunement envie de lui parler. Il se rendrait peut-être compte que quelque chose ne tourne pas rond, mais lui expliquer ce qui va mal est en dernière position sur l'ordre de mes envies.

Au fond, une partie de moi ne sait même pas pourquoi j'agis ainsi. Un peu à cause de mon père, de la mort de ma mère, c'est certain, mais ça n'explique pas l'intensité ni la profondeur de ma peine. La déception que j'ai ressenti lorsqu'il m'a cassé le poignet a tout remué, puisque je commençais à croire que je pouvais lui faire confiance, mais de là à dire que que c'est la cause de mon insensibilité, il y a une différence.

Mon insensibilité me servait de moyen de défense. La douleur de la trahison de mon père, toutes les piques de Camille, tout ce qui me faisait mal était mis en pause durant ces périodes où j'avais l'air d'un zombie. Juste pour me retomber dessus puissance 10 un peu plus tard. Me tailler les veines permettait d'atténuer le contre-choc, tout en me permettant de me sentir plus en vie.

Incapable de rester davantage inactive tandis que la douleur me lacérait la poitrine, je me levais, passant outre la réflexion que je m'étais faite sur le fait que cela réveillerait Antoine. J'avais besoin de réagir, de faire quelque chose, et même si je ne pouvais pas me couper, je ferai quelque chose. Passant mes jambes sur le côté du lit, je sentis mes pieds toucher le sol froid au même moment qu'un murmure franchit les lèvres d'Antoine.

-Joamy ? murmura une voix endormie.
-Quoi ? répondis-je d'une voix froide, si froide que je ne serais pas surprise de voir de la condensation sortir de ma bouche.
-Où est-ce que tu vas ? me demanda Antoine dans un souffle de mourant.
-Quelque part, rétorquais-je en sortant de la chambre.
J'eus peur qu'il ne me suive et ne m'oblige à lui dire ce qui n'allait pas, mais sa fatigue était tellement grande que sa tête retomba lourdement sur l'oreiller et ses yeux mi-clos se refermèrent. Les loups-garous sont plus résistants au sommeil, mais lorsqu'ils sont endormis sous forme humaine, il faudrait une pelle mécanique pour les sortir du lit. Sous forme lupine, c'est carrément autre chose. L'instinct de survie ne les fait dormir que d'une oreille, le réveillant au moindre bruit suspect.

Je descendis l'escalier le plus rapidement possible : je devais m'éloigner de lui. Tout irait mieux dans ma tête si je m'éloignais de lui. Une fois dans le hall, je pris le temps de m'arrêter pour réfléchir. Ce que je venait de faire, le repousser de mon plein gré et m'éloigner de mon âme sœur, avait ouvert une brèche dans le mur entre mon esprit et mes émotions. Pendant une seconde, la partie "humaine" tenta de reprendre le contrôle, mais la partie stoïque reprit rapidement le contrôle des commandes. Parfois, j'avais l'impression d'être sujette à un trouble de personnalités multiples.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant