Confrontation

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Je me mis à trembler. Mon pire cauchemar, juste devant moi.
-Bonjour, Alpha, salua une voix qui m'était inconnue.
Tournant la tête, j'aperçus un homme imposant, les cheveux noirs de jais, un rictus mauvais sur le visage.
-Bonjour Lucas, articula Antoine d'une voix glaciale.
Son bras était vissé autour de ma taille et si sa prise était un tantinet plus forte, il me ferait mal.
-Tiens, si ce n'est pas la vermine qui se prend pour une Luna, cracha Camille. Tu ne t'es pas encore roulé dans ton trou comme l'asticot que tu es ?
Je pris une grande inspiration et cessai de trembler. Je relevais les épaules. Je restais silencieuse, mais je gardais la tête bien haute. Son attitude ne m'est pas inconnue, je sais bien que quoique je fasse, elle en profitera pour me rabaisser.
-Si tu parles ainsi à Joamy une seule fois de plus, tu peux dire adieu à ta place dans cette meute, siffla Antoine. Je te rappelle que, malgré tout ce que tu pourras dire, elle est plus haut que toi dans la hiérarchie. Espèce d'imbécile.
Le dos de Camille se raidit sous l'insulte.
-Si je suis une imbécile, je me demande ce qu'est cette ordure... Une demeurée ?
Antoine grogna et s'avança, menaçant, mais je lui attrapai le coude in extremis.
-Non, laisse-la dire ce qu'elle veut. Si ça peut la consoler d'être la compagne d'un simple delta toute sa vie, pris-je la parole à l'étonnement de tous.
Les yeux de Lucas jaunirent sous la colère que lui amenait mes paroles.
-Espèce de... rugit l'interpellée.
-Peut importe ce qu'en pense Joamy, je peux te jurer que si tu termines ta phrase, tu peux dire adieu à ton foyer si douillet ici. 
Camille l'ignora et commença à avancer vers moi.
-Comment oses-tu me parler ainsi ? gronda-t-elle.
-Je te retourne la question. Comment oses-tu parler ainsi à ta Luna ? ai-je joué sur son point sensible. L'ambition.
Camille grogna de frustration, puis partit en courant comme la lâche qu'elle est. Lucas ne tenta même pas d'excuser sa compagne, il partit sans même saluer son Alpha.

-Ça s'est bien passé, dis-je platement.
Antoine soupira.
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-Que fais-tu ? me demanda Antoine en s'asseyant à mes côtés.
-La même chose que ce matin.
J'avais récupéré quelques livres que j'étais allée porter plus tôt  dans ma chambre et je m'étais installée sur la galerie pour les lire. Antoine se pencha et attrapa le premier livre sur la pile. 
-Oscar et la dame rose. Je ne pensais pas que c'était ton genre de roman.
Je levais les yeux des pages de Moby Dick en silence, puis les reposais sur mon roman. Il n'a même pas posé de question, on ne pouvait pas me reprocher de ne pas lui répondre. Il soupira.
-Vas-tu me dire pourquoi tu es sortie de la chambre à deux heures du matin ?
-Pourquoi ?
Il semblait abasourdi que je pose la question.
-Parce que je m'inquiète pour toi ! C'est évident !
-Et si je te disais que tu n'as pas à t'inquiéter ? Tu me foutrais la paix ?
-Non, parce que tu pourrais mentir pour ne pas me dire pourquoi tu es sortie à deux heures du matin.
Je me levais précipitamment pour partir, me réfugier dans ma chambre. Il n'acceptera pas d'excuse bidon. Il attrapa mon poignet valide. J'avais vraiment tendance à oublier mon plâtre.
-Arrête d'éviter cette conversation.
-Je ne vois pas pourquoi tu en fais tout un plat. Je suis sortie de la chambre, je n'ai tué personne, tout va bien.
-Dis-moi pourquoi.
Je pris une grande inspiration, m'assieds à une certaine distance de lui et pris mon courage à deux mains.
-Je suis sortie parce que je ne pouvais pas rester immobile dans le lit, j'avais trop mal.
J'attrapais Moby Dick, lui signifiant clairement que la discussion était terminée.
-Physiquement ou mentalement? demanda-t-il tout de même.
Je gardais le silence. Ce n'est pas important, il ne peut plus rien faire de toute façon.
-As-tu besoin de voir Rodrigo ?
Je roulais des yeux.
-Bien sûr que non. Si j'étais blessée ou malade, tu l'aurais senti bien assez tôt.
-Ça ne laisse donc qu'une option, murmura-t-il dans un chuchotement douloureux.
Je sentis sa main frôler ma joue, juste avant qu'un baiser ne soit déposé contre ma tempe.
-Es-tu prête pour le truc mignon de la journée ?
J'étais étonnée qu'il lâche le morceau aussi facilement. D'après ce que j'avais perçu de sa personnalité en quelques jours, il me semblait être du genre à aller au fond des choses.
-Qu'est ce que c'est aujourd'hui ?
-J'avais pensé qu'on pourrait peut-être retourner dans la salle de musique ? Puisque ça ne comptait pas lorsque Phil et Daisy étaient là.
-Bof, je n'ai pas vraiment envie de faire ça maintenant.
En d'autres mots, je n'ai pas envie de me rappeler la mort de ma mère maintenant.
-Si tu préfères. Ça ne me déranges pas de faire autre chose. On pourrait... Cuisiner ?
-Ça me va.
Il n'y a pas de mauvais souvenirs reliés à ça. En tout cas, pas de trop mauvais.
-Parfait ! On y va ? Antoine sauta sur ses pieds avec l'enthousiasme d'un petit garçon.
Je secouais la tête avec un petit sourire attendri devant son attitude et déposai mon livre avec les autres. Prenant la main qu'Antoine me tendait, j'avançais avec lui.

-Ajoute la farine et... Hey !
Ce petit salopard venait de complètement vider le pot de nutella. Nous avions prévu de faire des crêpes choco-bananes, mais disons que ce sera plutôt des crêpes aux bananes.
-Quoi ? me demanda-t-il avec un air innocent  sur le visage.
-Espèce de... dis-je en le frappant sur le bras. Je l'aurais bien frappé à l'épaule, mais il était bien trop grand pour moi.
Il rit, et m'étala du Nutella sur le nez.
-Je te jure que...
Il ne me laissa pas terminer ma phrase et partit à courir. Je souris sarcastiquement. Je vais le laisser s'épuiser un peu, il lorsqu'il reviendra voir ce que je fais, je lui sauterai dessus...avec un verre d'eau.

Il ne lui prit pas longtemps avant de revenir me voir, évidemment. On aurait dit un petit garçon qui voulait un biscuit. Dire que cet Alpha est supposé être menaçant, terriblement intimidant et dangereux et qu'il est redouté de tous les alphas de la région. Laissez-moi rire ! À mes yeux, il était plutôt enfantin, doux et attentionné. En d'autre mot, adorable. Même la partie stoïque de moi devait l'avouer.
-Joamy ? me demanda-t-il avec des yeux de chiot battu.
-Oui ?
-Qu'est-ce que tu fais ?
-Ça! répondis-je en lui jetant le verre d'eau sur la tête.
Son expression était impayable. Ses cheveux noirs étaient plaqués contre son crâne, le faisait ressembler à un chaton mouillé et son t-shirt blanc était détrempé jusqu'à dix centimètres sous son col en V, me donnant une vue parfaite du début de ses abdominaux. Je détournais mon regard pour ne pas être surprise à le fixer. Ce n'est pas ma faute s'il a des muscles à se damner !
-Vengeance, grognais-je en me renfrognant sans raison apparente.
Je retournais à la préparation des crêpes, le laissant planté là, mouillé et interloqué. Antoine tenta de me lancer de la farine, mais mon regard qui tue l'arrêta très rapidement. L'atmosphère dans la cuisine était bien plus lourde que précédemment. Pas que ça me dérange ou me gêne, mais Antoine en semblait affecté. Pauvre petit Alpha.

Le midi fut bientôt un vague souvenir, tandis que je m'étais réinstallée à l'intérieur avec mes livres. Je ne comprenais pas les gens qui n'aimaient pas la lecture. Comme le disait Joseph Addison, la lecture est à l'esprit ce que l'exercice est au corps. J'avais besoin de lire, ça me permettait de me concentrer sur les soucis des autres au lieu de me concentrer sur les miens, mais aussi de m'évader.
-J'ai une idée ! hurla soudainement Antoine, me faisant sursauter monstrueusement.
-Bon sang Antoine ! haletai-je en tenant mon cœur.
-Désolé, sourit-il en s'excusant. Mais j'ai une idée !
-Ah ça, j'avais compris, marmonnais-je.
-On va écrire des choses et des places qu'on voudrait faire pour les trucs mignons sur des bâtonnets de bois et on pigera pour savoir ce qu'on fait !
-Ça me va. Où sont les bâtons ?
-Je crois qu'ils sont quelque part par ici... répondit-il, la tête à moitié dans l'armoire. Ahah !
Il tenait triomphalement les bâtonnets colorés dans sa main, tandis que je me levais pour aller chercher deux stylos.
-Alors, que penses-tu de ça? me demanda-t-il en me tendant une baguette où il était écrit Faire un bonhomme de neige.
-C'est une bonne idée, en plus l'hiver arrive, on aura davantage d'occasion de le faire.
-Et toi, t'as une idée ?
Je bloquai. Il était évident que les soirées normales pour les couples, comme aller au cinéma, ne seraient pas pour nous. Ça me demandait un peu plus d'originalité et de réflexion. Je lui tendis mon bâtonnet avec une grimace hésitante.
-Camping ? Oui, ça pourrait être agréable.
Les idées jaillirent d'un côté et de l'autre (enfin, plus de son côté); Patinoire, Dîner aux chandelles (son idée), Baignade dans la cascade...
À mon étonnement, il a rajouté Fête foraine. Je ne pensais pas qu'il mettrait des sorties où il fallait sortir du territoire immédiat de la meute. On dirait aussi que c'est lui qui met les activités les plus romantiques. D'habitude ce sont les filles qui agissent ainsi.

-Rien d'autre ? demanda Antoine.
Je pensais. Je réfléchis. Réfléchis à si je voulais le mettre ou pas. Si je voulais endurer cette douleur. Si je voulais souffrir avec lui à mes côtés. Soupirant, j'attrapai un bâtonnet et le stylo et écrivis Salle de musique.

Le repas du soir fut vite avalé, et j'avais à peine touché à mon plat de pâtes. Antoine n'avait pas fait de commentaire, mais je voyais qu'il a sourcillé lorsqu'il a vu la nourriture qui restait dans mon assiette.

J'étais tranquillement assise dans le sofa, lorsque Antoine s'assit à mes côtés. Ceci commençait à me taper sur les nerfs. J'aimerais pouvoir faire quelque chose sans l'avoir sur le dos ni rien. Soupirant, je me levais et allai me coucher, le laissant confus et attristé derrière moi.
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PDV Lucas
-L'insolente ! hurla Camille lorsque nous fûmes chez nous.
-Calmes-toi, murmurais-je contre son oreille en la prenant dans mes bras.
-Mais t'as vu comment elle m'a insultée !
-Je sais. C'était pathétique.
-Et Antoine qui prenait sa défense ! Je ne peux pas croire qu'il ne voit pas à quel point elle est misérable !
-On va se débarrasser d'elle assez tôt, ne t'inquiète pas.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant