Nathaniel

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PDV Joamy

Le lendemain de ma deuxième rencontre avec Rodrigo, je fus réveillée par le soleil qui passait entre les rideaux. J'avais besoin de me couper, ce fut la première chose que je réalisais en ouvrant les yeux. Mon poignet me démangeait, j'avais besoin de m'ouvrir les veines, mais lorsque j'entendis Antoine qui prenait une douche dans notre salle de bain commune, mes ardeurs se refroidirent. Mes envies de me trancher la peau devait rester mon secret jusqu'à ce que je ne le fasse plus. Il sait que je le faisais quand j'étais plus jeune. Je sais que Mme Sissi lui a probablement envoyé des lettres. Il doit penser que j'ai arrêté.

Les cicatrices avaient doucement commencé à blanchir, se fondant dans le décor de mon épiderme. J'étais heureuse qu'elles paraissent moins. J'avais besoin de tourner la page sur cet épisode de ma vie.

C'était difficile pour mon esprit de réaliser que je ne retournerai plus jamais à l'école. Plus jamais ne regarderai-je Mme Sissi avec un tel sentiment d'infériorité, d'impuissance. Plus jamais ne m'endormirai-je en observant les murs gris et nus de la chambre identique à toutes les autres de l'école. Plus jamais ne serai-je seule.

Je me levais et allais à ma fenêtre. De l'autre côté du verre, le soleil se levait à peine et on pouvait presque voir le froid dans l'air. Les rideaux pendaient lourdement de chaque côté de ma tête. En ce petit moment, je goûtais un minuscule morceau d'infini.

Les minutes passèrent, et bientôt l'eau cessa de couler dans la douche. J'entendis Antoine ouvrir puis fermer la porte de la douche, puis j'entendis la porte de la salle de bain menant à sa chambre se refermer.

J'aurais facilement pu me faufiler dans la salle de bain, me couper, puis justifier un problème féminin si Antoine m'avait questionnée à propos de l'odeur de sang. Ça aurait été si facile. Mais j'avais un sentiment de malaise à l'idée de me couper avec Antoine dans la pièce voisine. Juste y penser tout en sachant Antoine à proximité me révulsait.

Après plusieurs minutes à tergiverser, à me questionner, je décidais finalement d'abandonner mon petit projet. Pas question que je finisse comme la fille qui avait laissé son âme sœur découvrir son secret.

J'entendis Antoine sortir de sa chambre et descendre les escaliers. J'allais à mon tour dans la salle de bain, ne manquant pas de remarquer la serviette humide déposée contre le séchoir et les quelques flaques d'eau sur le sol. M'avançant près du miroir au-dessus du lavabo, je pris un instant pour essuyer le miroir couvert de buée. Je passais ma main non plâtrée sous l'eau et rinçai mon visage. Prenant une grande inspiration, je fixais dans les yeux la fille qui me regardait en retour.

Mes joues s'étaient remplumées depuis la dernière fois que je me suis regardée aussi attentivement. Ma peau avait repris une apparence moins maladive, mes yeux donnaient moins l'impression d'être enfoncés bien creux au fond de mon visage. Pour la première fois depuis bien des années, je souris en me regardant. Pour une fois, je n'avais plus l'air d'un zombie. J'étais presque aussi resplendissante que Daisy, ou Laura. C'était grâce à lui. Maintenant, j'avais envie d'être en santé, d'être normale, d'avoir une vie normale. Enfin, aussi normale qu'une vie puisse être avec un loup-garou à mes côtés.

Avec encore un petit sourire au coin de mes lèvres, je sortis de la salle de bain et allai m'habiller, sans oublier mon maintenant habituel bracelet pour couvrir ma main libre.

Je descendis les escaliers lentement, tandis que j'entendais un au rez-de-chaussée. Au milieu des quelques voix discutant entre elles, on percevait les sons d'ustensiles puis des bruits d'assiettes. Ça me faisait penser aux scènes dans les livres où les personnages se retrouvaient ensembles après avoir sauvé le monde et riaient ensembles. Je sais que Phil et Antoine n'ont plus de famille de sang sauf eux-mêmes, mais les liens qui se forment dans la meute (et entre meutes) sont aussi forts.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant