Retrouvailles

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Les paupières engourdies, je manquais de force pour me lever. Je n'ai pas mangé depuis... Près de 48 heures. Mais bon, ce n'est pas la première fois. Je me suis coupée aussi. J'entendis, en bruit de fond, un martèlement sur ma porte. Probablement Mme Sissi qui venait chercher pour un de mes cours. Je voudrais bien lui répondre, ouvrir cette foutue porte, sortir de ce fichu brouillard, mais je ne peux pas. J'entendais en sourdine la voix frustrée de ma directrice, mais je ne pouvais pas lui répondre. J'entendis sa voix, mais je ne saisissais pas ses mots. Je perçus ensuite le bruit discret d'une clé tournant dans la serrure. Paniquée, je réussis presque à me sortir de ce demi-coma. J'ai oublié de nettoyer après mon œuvre hier soir. Le plancher est couvert de sang, qui a probablement séché depuis la veille, mes lames se trouvent toujours par terre et mes poignets sont... Je ne trouve même pas le mot convenable. La porte s'ouvrit en un coup de vent et j'entendis un cri horrifié qui me déchira les tympans. Les mains de ma directrice se retrouvèrent sur mon cou, cherchant un pouls malheureusement existant. Elle hurla quelque chose aux femmes venues pour vérifier si tout allait bien, alertées par son cri. Je ne sentais plus le lit sous moi, je soupçonne une des louves-garous de m'avoir soulevée pour m'emmener à l'infirmerie. Encore.

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PDV Sissi
Le jour de l'anniversaire de Joamy, je me rendis dans sa chambre la chercher. Les autres filles avaient cuisiné un gâteau et on attendait qu'elle descende pour le manger, mais elle ne venais pas. Je suis donc montée la chercher.

Le sang couvrait presque l'entièreté du plancher, tandis que Joamy était immobile sur son lit. Ses poignets étaient déchirés par les lames de rasoirs restées sur le sol. Nous savions qu'elle se coupait, mais nous pensions qu'elle avait arrêté. Ses poignets ne semblaient pas s'être fait couper durant les semaines précédentes, mais la visite à l'infirmerie un peu plus tard nous indiqua que ses cuisses subissaient les coups d'acier à la place.

Cette gosse ne nous apporte que des ennuis.

Maintenant il nous faudra prévenir Alpha Antoine. Abordant le sujet avec les femmes qui m'ont rejointe, nous décidâmes de passer sous silence l'évènement. Non seulement Alpha Antoine ne passera pas sa rancune sur nous, mais en plus cela nous offrira une menace contre Joamy si cette causeuse de trouble pense recommencer ce qu'elle a fait aujourd'hui. Les autres étaient d'accord avec moi, sachant parfaitement qu'Alpha Antoine n'est pas réputé pour sa clémence.

2 ans plus tard
Septembre
PDV Joamy
Je pars de cette foutue école demain soir. Je commençais déjà à bander mes plaies, sachant que cela prendra davantage que quelques minutes. Elles seront dissimulées pour la première journée au moins. Pour mon sous-poids, on ne peut rien y faire dans l'immédiat. Je n'ai qu'à éviter de porter la robe moulante qu'il m'a offerte il y a quelques jours justement pour cette occasion. Elle est magnifique ; d'un bleu Prusse évocateur, cintrée à la taille par une bande de velours d'un bleu un peu plus pâle, faite d'une étoffe dans une matière extrêmement douce probablement hors de prix, mais elle est moulante. Avec mes côtes et mes hanches saillantes, je ne peux me permettre de porter quelque chose de ce genre, pas plus que je ne pourrais porter la robe rouge qu'il m'a offerte il y a deux ans. Je dois flotter dedans maintenant. Je porterai probablement un jean et un gilet à manches longues pour dissimuler mes poignets. Ne jouons pas avec le feu. J'ai découvert il y a quelques semaines, à la bibliothèque, un récit relatant la réaction d'un bêta de meute lorsqu'il découvrit le sang sur les cuisses meurtries de sa compagne. Il s'est tellement fâché et était tellement choqué qu'il s'est transformé. Il était toutefois trop proche de sa compagne et lui a déchiré le visage. Elle est passée près de la mort et son âme sœur est tombée en dépression. Même si je me coupe, je ne veux pas mourir. La mutilation n'est qu'un moyen de me faire sentir plus vivante, justement. Et même si je voulais mourir, je choisirai probablement un moyen moins douloureux et plus rapide, tout en excluant la possibilité de blesser quelqu'un aux alentours.

Le temps passait tranquillement dans ma chambre, je relisais les livres que j'ai trouvés à la bibliothèque lorsqu'un bout de papier tomba d'un des livres. Je le saisis et le reconnus, c'était une des lettre d'Antoine que j'avait utilisée comme signet lorsque je n'avait rien sous la main pour marquer ma page. Je la dépliais et commençais à la lire.

14 août
Bonjour ma Joamy,
Comment vas-tu? J'espère que tu te portes bien. Comment trouves-tu les cours à l'école ? Hier je suis passé devant un magasin et j'ai pensé à toi, c'était une bijouterie. Je t'ai déjà acheté ton cadeau de Noël même si tu arriveras trois mois avant. Ton cadeau de fête est déjà acheté, mais je te le donnerais le lendemain de ton anniversaire, car la maison se trouve loin de l'école et tu seras trop fatiguée pour te tenir debout, après le trajet en voiture. Je te suggère de faire des valises pour mettre dans le coffre de la voiture et un sac à transporter avec toi qui contiendrait un livre, peut-être un peu d'eau, ce genre de choses. Bien entendu, si tu te mets à avoir faim, nous nous arrêterons sur la route pour manger un peu. J'ai hâte de revoir ton si beau visage.
Ton dévoué,
Antoine.

J'essuyais le torrent qui coulait sur mes joues, sans comprendre pourquoi ses mots me blessaient autant. Peut-être parce que ses promesses me rappelaient celles de mon père avant qu'il ne me trahisse. Peut-être aussi parce que je sais que lui aussi me trahira et que ses promesses m'ont fait espérer une seconde ou deux.

Le lendemain, je commis l'effort de me lever et d'aller manger. Les filles me regardèrent entrer comme si j'étais un extraterrestre. Il est vrai que je ne viens pas souvent manger au réfectoire, et lorsque je le fais, c'est durant les heures où il n'y a personne. Ce soir, mon Alpha viendra me chercher. Je ne sais pas si j'ai hâte ou si je suis triste d'y aller, mais j'espère qu'il se rendra compte rapidement que je ne suis pas un jouet qu'on peut manipuler sans délicatesse. Je risque de me briser en multiples morceaux.

Je me préparais à peine, brossant mes cheveux, m'assurant que mon jean était droit, que mon gilet n'était pas coincé dans la ceinture de mon pantalon, et descendis. Je croisais des centaines d'yeux détaillant ma tenue avec désapprobation. Mme Sissi claqua sa langue contre son palais avec irritation. Soudain, les portes s'ouvrirent. Il était là. Encore plus beau que dans mes souvenirs, encore plus imposant. Ses épaules larges semblaient pouvoir me soulever avec facilité, ses muscles étaient plus développés que ceux d'un culturiste, sa mâchoire carrée ne soulignait que la délicatesse de ses traits, ses yeux semblaient aussi profond que je me le rappelais, et ses jambes interminables avançaient à grande vitesse vers moi tandis qu'un sourire étirait ses traits. Moi, je restais immobile, sans savoir comment réagir.
-Bonjour Joamy, dit-il avec un sourire légèrement arrogant sur le visage.
Je ne répondis pas, bien qu'il semblait relativement gentil. Cependant, lorsqu'il fit mine de me prendre dans ses bras, j'eus un mouvement de recul. Avec mon père et tout ce qui vient avec, je ne peux pas prendre quelqu'un dans mes bras. Il fronça les sourcils, mais paru comprendre lorsqu'il croisa mon regard terrifié. Il se recula légèrement et me tendit la main. Je la saisis, la mienne tremblant légèrement, et partis sans un regard en arrière. M'escortant jusqu'à une Porsche impressionnante, il m'ouvrit la porte du côté passager et démarra la voiture. Ça commence.

Fighting for happinessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant