Je l'attends dans ce café. Nous avons échangé quelques messages depuis son appel. Je stresse. Comme souvent à l'époque. Sauf qu'à l'époque, je n'en avais pas le droit. Enfin, si. Avec lui, j'avais le droit. Et il m'a toujours dit et répété que j'avais le droit de ressentir des choses, de ne pas me montrer posé et calme en toutes circonstances. Mais on m'a tellement répété que j'étais mature pour mon âge, que je réfléchissais bien pour mon âge... Elle était tellement persuadée que j'étais plus mature, que je réfléchissais plus vite que les gens de mon âge, que je comprenais plus facilement, qu'elle me parlait de choses que je n'aurais pas dû apprendre. Elle m'a parlé de tant de choses, et j'ai dû rester calme et apprendre à encaisser sans rien dire tant de fois, j'ai dû tant de fois agir de façon « mature » comme ils disent, puisque si j'agissais autrement, c'était des façons d'agir « d'enfant », sauf qu'ils avaient tendance à oublier que je n'étais qu'un enfant. Et qu'un enfant a le droit d'agir comme tel. Alors certes, après on peut se demander ce qu'est être un enfant. Je pense qu'on garde tous une part de nous enfantine, elle est juste plus ou moins cachée. Toujours est-il qu'à ce moment-là, on m'a appris qu'être mature c'était garder ses émotions pour soi. Les cacher. Et lorsqu'on apprend cela à un enfant, il l'intériorise. Je n'avais pas demandé à ce qu'on m'apprenne à acquiescer sans rien dire, qu'on me dise que c'est bien de garder mon calme, de ne pas m'être énervé dans une situation dans laquelle j'aurais pu pleuré de rage. Alors j'attendais patiemment de me retrouver seul, de faire les scénarios dans ma tête. Des scénarios dans lesquels je criais ses quatre vérités à ma mère. À tous ceux qui m'ont obligé à grandir trop vite.
La porte du café s'ouvre une énième fois depuis que je suis installé ici. Je n'y porte pas attention. Je ne sais plus quelle heure on s'était dit. Je sais juste que j'étais en avance. Ma jambe tremble, comme souvent, j'ai les mains moites, comme tout le temps. C'est quelque chose qui m'agaçait quand j'étais encore au lycée, notamment parce que je ne pouvais pas rester sur mon ordinateur trente secondes que mes paumes étaient moites et c'était désagréable sur le clavier.
Mon doigts tape sur matasse de café qui doit sûrement être froid depuis que je suis arrivé. Mon attention est attirée par la chaise qui bouge devant moi. Je relève le visage vers Harry qui s'installe tranquillement. C'est étrange de le voir ici. Il a changé. Les premiers mois après notre séparation, il m'arrivait encore de regarder ses publications sur les réseaux sociaux lorsqu'elles apparaissaient sur mon fil d'actualité. Il a eu les cheveux longs, un moment. Aujourd'hui, ils sont plus courts.
« Salut. »
Sa voix, par contre, n'a pas changé. Et je frissonne toujours autant en l'entendant.
« Salut. Comment tu vas ? J'ai l'impression que ça fait une éternité que je ne t'ai pas vu. Pourtant, ça n'était pas il y a si longtemps que ça...
- Quelques années quand même. Mais je vais bien. Et toi ? »
Je parle un peu de ma vie aujourd'hui, expliquant que je suis enfin posé, vraiment. Avec un boulot dans une chaîne de magasin lié à la culture. Mais que ça fait du bien d'avoir un chez soi, et de pouvoir construire sa vie petit à petit. Et lui ? Il continue ses études en essayant de travailler à côté. Il est content de ce que sa vie devient petit, il s'est fait à l'université, a validé sa licence avec brio. Ce qu'il fait lui plaît et je suis ravi de l'apprendre. Lui qui se montrait si sûr de lui devant tout le monde quant à son avenir mais qui en réalité doutait sûrement autant si ce n'est plus que nos camarades. Le début de ses études et les stages qu'il a pu effectuer dans le domaine du journalisme l'ont conforté dans son choix et il ne regrette en rien son orientation. Je me souviens qu'à l'époque, nous avions demandé les mêmes filières dans les mêmes écoles. Nous avions reçu des réponses positives pour plusieurs écoles en commun, mais peu de temps avant les dates limites, nous avons convenu que nous ferions mieux de choisir les universités que nous voulions sans se préoccuper du choix de l'autre. Notre relation s'arrêtait quelques jours plus tard.
Nous restons un moment assis à cette table, observant ce que l'autre est devenu. C'est comme si nous ne nous étions jamais quitté, pourtant une distance s'était installée. Je savais à quoi m'en tenir en venant ici. Harry m'a dit clairement ce qu'il attendait de moi : une relation amicale. Rien d'autre. En sortant, il alluma une cigarette. Je ne savais pas qu'il fumait. Lorsque nous étions encore au lycée, j'ai su qu'il avait une fois fumé un joint, mais à ma connaissance ce n'était arrivé qu'une fois et il ne fumait pas de cigarettes.
Je regarde quelques cendres chuter sur le sol et lorsque je relève la tête, j'observe un peu la rue avant de reporter mon attention sur lui. Les cendres de sa cigarette comme seul point de lumière à travers l'obscurité qui s'illumine plus fortement lorsqu'il la porte à ses lèvres me rappelle juste à quel point je voulais les embrasser et aujourd'hui encore plus. Moi qui pensais sincèrement que mon cœur avait compris de quoi ma future relation avec Harry tenait, il est loin de l'avoir pris en compte...
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Bonjour ! Comment allez-vous ?
Pour ma part, je suis enfin en vacances, même si ce sera révisions pour le bac pendant ces 15 jours principalement...
J'espère que ce chapitre vous a plu, bien que court.
Cette semaine je posterai mardi et dimanche. Dans 15 jours je commencerai sûrement à poster le mercredi et le dimanche, les semaines où j'aurais suffisamment d'avance pour poster deux fois (ça devrait arriver souvent mais on sait jamais).
Une chose positive de votre journée ?
Prenez soin de vous, ayez confiance en vous et n'oubliez pas que vous êtes importants.
S.
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Avec un titre [L.S]
FanfictionLes mots sont puissants. Je m'en suis rendu compte où j'ai cessé d'oser les employer. D'en employer certains. Parce que les utiliser, ça revenait à accepter des évidences qui me paraissaient inconcevables. Et que ces vérités, j'ai appris que le temp...