Chapitre 15 - Présent

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    Les réveils en sursaut ne m'avaient pas manqué. Le temps de quelques secondes, je panique, ne reconnaissant pas l'endroit dans lequel je me trouve. Lorsque mes yeux se sont habitués à la noirceur de la pièce, je prends petit à petit conscience du fait que je suis chez moi, dans ma chambre. Devant moi, une commode sur laquelle sont posés des cadres.

    C'est vrai, j'ai aujourd'hui vingt-trois ans, plus dix-huit. J'habite chez seul dans un appartement, je ne vis plus chez ma mère. Je n'ai plus à mettre la musique de mon casque à fond pour ne pas les entendre crier. Je me calme petit à petit. Cela faisait un bon moment que je n'avais pas fait de cauchemar. Généralement, ils attendent que je baisse ma garde pour revenir à l'assaut de mon sommeil. Tant que j'y pense avant de dormir, je ne fais habituellement pas de cauchemar. Je sais que ça n'a sûrement rien à voir et que c'est probablement seulement psychologique. Je n'oublie pas non plus la fois où j'ai fait un cauchemar alors que j'y avais pensé mais ce n'est arrivé qu'une fois. Ouais, c'est ça. Souvent, ça arrive lorsque j'oublie leur existence.

    Peu de gens savent que je fais des cauchemars. Pas tant par honte, ça m'arrive de l'évoquer, mais juste que je ne vois pas l'intérêt d'en parler pour rien. Je ne dis que rarement ce qu'il se passe dans ce genre de mauvais rêves pour me préserver de la vision de ces images. Pour une fois, ce n'est pas tant qu'il était horrible, juste qu'il me rappelle les soirées que j'ai passé enfermé dans ma chambre, adolescent, mon casque sur les oreilles pour couvrir les cris de ma sœur et de ma mère qui se hurlaient dessus. On peut penser que ce n'est rien, ce genre de choses passe avec le temps. Mais dans notre cas c'était plus compliqué. C'était sans arrêt. Tous les soirs. Pour rien. C'est ce qui l'a finalement poussée à ne vivre que chez mon père. Elle n'a pas vraiment eu le choix non plus.

    Quand je repense à cette période, je regrette beaucoup de choses. Notamment de ne pas avoir pris le parti de ma sœur. Plus jeune, j'étais très proche et fusionnel – enfin, c'est ce que je croyais, à l'époque – avec ma mère. Alors je prenais sa défense, il m'ait arrivé de m'interposer entre elles deux pour diverses raisons. Que ce soit quand ma mère essayait de prendre le téléphone de ma sœur ou que cette dernière tenait fermement le poignet de ma mère. À l'époque je ne voyais pas que les torts étaient partagés. Je ne voyais que ceux de ma sœur. Puis ma sœur est partie.

    Ce n'était pas aussi flagrant qu'avec ma sœur puisqu'elle et moi n'avons pas le même caractère. Je me tais là où ma sœur parle. Alors je subis en silence là où ma sœur n'hésitait pas à crier son indignation. Ma petite sœur n'hésitait pas à prendre ma défense lorsque les propos de ma mère étaient injustifiés à mon égard, pourtant je n'ai jamais été capable de lui rendre cette attention. Il n'est qu'une heure du matin lorsque je regarde l'heure sur mon portable. J'essaye tant bien que mal de me rendormir, mais les minutes s'écoulent comme des heures et le temps ne passe pas. Lorsque vient cinq heures, je me lève, me prépare. Je ne tiendrai sûrement pas la journée, mais je vais au moins essayer. On peut avoir de bonnes surprises. Je termine à quinze heures. C'est déjà ça de pris. Je pars tôt de chez moi. Dès que je suis prêt, pour dire.

    En arrivant au travail, je m'y mets immédiatement, je suis le premier arrivé et je serai sûrement le premier parti. Quand mon supérieur arrive, il est étonné de me trouver dans le bureau.


« Tu es là depuis quelle heure ?

- Je dois être arrivé vers six heures ou six heures et demie ?

- Louis ! La nuit c'est fait pour dormir ! Fais-moi au moins le plaisir de partir plus tôt. Sauf si tu veux que je te la compte en heure sup'. »


    Je décline mais réponds que je partirai à quatorze heures. Je pourrai au moins tenter de dormir en rentrant chez moi.





Avec un titre [L.S]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant