IV : Regards.

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Il est midi, je sors de là et j'ai archi faim ! Puisqu'on ne sait pas où je suis, je décide d'aller chez ma cousine. Je frappe à sa porte, elle m'ouvre et me saute dessus en étant hyper joyeuse. Je grimace de douleur provenant de mes côtes mais j'essaye de ne pas lui montrer une fois face à moi.

- Tu m'as trop manquée ! Il faut pas nier les cours comme ça !

- J'ai rentré un certificat. Et honnêtement, ça fait du bien de s'éloigner de tout... Bref ! Je viens pour qu'on aille mangeeerrrr ! Tu es seule ?

- Yep ! Ils travaillent. Allons au McDo, je paye !

- Quoi ? Mais ???

- Chut, t'as pas le choix.

- Bon, si ça peut te fait plaisir !

Nous allons donc au McDo. Je me prends un bon menu, je me lâche, plus aucune emprises sur moi ! Je prends même un dessert. Ines fait une tête de choquée en me disant que ça faisait trop longtemps qu'elle m'avait plus vu manger comme ça.
Heu, à ce point-là ? J'ai mangé tant que ça ? Bon... Vaut mieux en être fière ? Même si cette remarque m'a un peu gênée... Je force tout de même un sourire, il faut que j'en sois fière parce que là je suis en train de prouver que j'ai vraiment le contrôle.
Je ne ressens aucune culpabilité...

Nous traînons l'après-midi ensemble, j'avais envie d'aller à la patinoire mais ce n'est pas possible pour le moment et puis j'aimerais me préserver pour le voyage au ski qui aura lieu avant les vacances de Noël. On le sait depuis l'année dernière et j'ai si hâte, j'ai travaillé presque tout l'été et je bosse encore certains week-ends pour pouvoir me le permettre sans avoir à demander à maman, bien que, dès qu'elle a su mes vraies raisons elle a voulu m'aider un peu, évidemment, c'est sans compter sur la générosité de mon père. Et dire que pendant un an, jusqu'à la fin de cet été, tout c'était calmer à la maison, la peur était atténuée avec violence, je me concentrais sur moi et mon apparence, mais il a fallu que ça recommence...
Quand ça a recommenceé je ne voulais plus y aller, mais tout était payé et maman a insisté, elle m'a promit de se mettre en sécurité si jamais ça se passait mal...
Il y a aussi mon anniversaire qui approche à grand pas. Le 4 novembre, en bonne scorpion. Mais je ne m'attends à rien, ma naissance est déjà une prison pour ma mère et une erreur pour lui, alors bon, " joyeux anniversaire " ne sont pas les termes adéquats. Je ne suis même pas sûr que quelqu'un s'en souviendra...

Je rentre "enfin" chez moi, la boule au ventre, je n'ose même pas lever le regard. Je regarde mes pieds, ouvrant lentement la porte, la main tremblante, un petit "bonjour" sors de ma bouche, la gorge nouée. Maman me répond mais lui ne calcule même pas, c'est pas plus mal. Je monte alors dans ma chambre et je m'effondre sur mon lit dans des pleurs silencieux, sans oublier la douleur, ça me fait un coup au moral de revenir même si j'étais à l'hôpital... Au final tout est plus sécurisant que chez moi.
Trois jours passent, les eaux ont l'air de s'être calmées, ça hurle moins et je ne me suis pas encore mangé une table et une tasse de café bouillant à la figure depuis mon retour.
Je remange normalement essayant de taire mes pensées intrusives mais j'ai du mal à m'endormir la nuit, repensant à ce qu'il s'est passé moins de deux semaines avant et oui, j'avoue, au fait que je suis en train de regrossir. Mon corps m'angoisse, j'ai l'impression d'avoir un énorme ventre...

Ce matin, je me prépare pour aller en cours, je me regarde dans le miroir et je me sens énorme...
Merde, quatre jours que je ne me pèse pas, juste une fois, j'ai le droit nan? Justement... c'est garder un contrôle sur mon poids non ?
Je monte sur cette balance, la boule au ventre, j'ai peur du chiffre qui va s'afficher sous mes pieds. J'ai dit plus d'emprise, mais rien à faire, ça me tétanise.
Les secondes paraissent longues, le verdict tombe, je me sent mal, c'est horrible, ça doit être une erreur.
Je me repèse à plusieurs reprises, le nombre reste le même. Les larmes coulent me rongeant les ongles, je me sens dépassée, comme si je perdais pied, je me mets à faire les 100 pas en réfléchissant...

Jade, un trouble sous contrôle...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant