XII : Anorexique.

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Deux semaines passent, deux semaines assez calmes à la maison. Pour moi c'est d'ailleurs trop calme, c'est bizarre qu'il ne bouge plus le petit doigt mais ne nous adresse pas la parole malgré les tentatives de ma mère et mes pics pour dire à maman qu'il n'en vaut pas la peine et qu'elle devrait arrêter d'essayer. Je l'appelle même par son prénom désormais.
Mais c'est calme, trop calme.
Nous aussi nous sommes devenues silencieuses, nos larmes ruissellent dans un profond silence exprimant une déception amère : on y a cru mais il y a toujours un problème.
Deux semaines aussi que je me tue au sport et mange le strict minimum vital. Si on ne compte pas ce que les peu de choses mangées et éliminées (par le sport), j'ai mangé une fois il y a deux semaines (une soupe que je n'ai pas réussi à finir) et rien depuis à part un peu de concombre que je m'autorise par moments grâce à son apport calorique très faible. Je bois beaucoup d'eau pour compenser. Je ne m'autorise plus d'écarts et j'évite de manger ce que je ne peux pas pour pas devoir purger après bien qu'autant de privation m'a valu une crise de boulimie.
La déprime est revenue en force et ça en plus de la fatigue, je manque parfois des journées de cours mais cette fois il est hors de question qu'elle soit plus forte que mon régime. Quoiqu'il arrive je ne veux plus jamais reprendre du poids, et même un cookie diététique je ne me l'autoriserai plus jamais.
La seule chose qui peut me faire sentir mieux en ce moment, c'est MAIGRIR !

Noie-toi dans ce problème pour tenter d'ignorer le retour de la source...

Je me réveille donc dans cette optique et je me prépare pour aller en cours, du moins j'essaye parce que j'ai la tête qui tourne. Je pense qu'il va falloir manger un minimum si je veux survivre à cette journée bien que j'en ai pas du tout l'envie.
C'est une question d'envie, pas d'incapacité même si maintenant la bouffe me dégoûte, encore plus qu'avant.

Avoue plutôt qu'elle te terrifie.

Je me coiffe et râle de la masse de cheveux que je perds, ils n'ont plus vraiment de gueule je vais finir chauve... Heureusement que l'option de les attachés existe.
Ça me fait penser que je n'ai à nouveau plus mes menstruations. Je pensais qu'elles étaient enfin revenues puisque je les ai eues chez Kévin deux fois alors que je ne les avais plus eues plusieurs mois avant ça, apparemment c'est parce que je ne mange pas mais j'ai du mal à voir le lien.
De toute façon je suis partie du principe que rien ne va ni chez moi, ni autour de moi alors autant enfiler des vêtements bien larges, rentrer à nouveau dans ce pantalon qui avait fini par ne plus m'aller quand j'avais grossi, être hyper contente parce qu'il me va limite large mais vite redescendre parce que j'avais grossi, et enfin aller en cours avec une pomme à la main.
Arrivée près de mes amis, duel de regard avec ma grande ennemie Narcissa. Woohoo comme si j'avais le temps d'avoir une ennemie. Je détourne le regard, gavée avec une petite voix en moi qui me dit qu'elle est tellement plus belle que moi. Comme absolument tout le monde ici.
Oh joie ! On a Klein aujourd'hui !
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Il a une petite mine ? Il a pas l'air de pété la forme... Il s'est passé quelque chose ? C'est pas censé me regarder mais ça me fous un pincement au cœur. Ça se trouve je me fais des idées, il est peut-être juste fatigué.
Marie se tourne vers moi et me demande s'il se passe quelque chose, j'hausse les épaules ne sachant pas ce qu'il se passe mais du coup je ne suis pas folle. Il a bien une petite mine.
Il se tourne vers nous deux nous demandant si nous avons des questions parce que personne ne parlait en classe donc on s'est fait cramer instantanément. On lui dit non timidement, il me regarde, je le reregarde, il me regarde, bref, son regard avait l'air de dire : "Ta façon de me répondre est bizarre, je suis sur le cul." Et le mien signifiait : "C'est toi qui es bizarre."
Bref, il nous donne des exercices à faire que je finis assez rapidement, puisque c'est la matière dans laquelle je suis la plus à l'aise et même la plus forte de la classe, je kiffe ça ! Et après avoir vécu avec un prof de sciences, je suis devenue scientifique. Bon ok, apprentie scientifique.

Jade, un trouble sous contrôle...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant