Routine, sécurité, thérapie, pleurs, angoisses, amitié, manger, grossir, médicaments, ...
Voilà deux semaines que je suis ici, je vais bientôt enfin avoir droit aux visites.
Je me suis liée d'amitié avec Leo, c'est mon copain de table avec qui on se lance de sombres blagues mais on parle peu de nous, du moins pas en profondeur. On traine aussi ensemble à nos heures perdues, parfois on joue au Uno pour s'occuper l'esprit. On a déjà joué avec des infirmiers, plus Jean d'ailleurs.
Je le vois rarement aux thérapies de groupe, j'ai cru comprendre qu'il paniquait quand il y avait beaucoup de monde. Je réalise qu'on est si peu rentré dans les détails que je ne sais pas pourquoi il est là et lui ne sait pas non plus exactement pourquoi je suis là.
Par contre... Il faut que je l'avoue, il ne me laisse pas indifférente... Mais ça, je ne lui dirai jamais, ce n'est certainement pas réciproque.
Je parviens à manger un peu plus mais il n'est pas encore question d'enlever la sonde, ce n'est pas encore assez. Je retiens mes larmes devant mes plats du soir pour rien laissé paraître face à mon ami qui essaye souvent de détendre l'atmosphère, tout comme moi quand il se présente aux thérapies de groupe. J'ai pu remarquer qu'on essaye plus de tirer l'autre vers le haut que soi-même. C'est toujours plus facile mais au moins c'est donnant donnant. Donc au final c'est de l'entraide.
Je suis passée sous anxiolytiques, stress post traumatique confirmé me créant de l'anxiété. Ils le voient dans mes réactions, dans mon perfectionnisme, dans mes peurs... Ce qui explique le fait que je sois constamment sur mes gardes, que je pense trop, que j'ai tout le temps peur au moindre geste brusque. À cet ajout qu'il a remarqué lors du souper, il m'a montré un de ses comprimés, on s'est compris.
Un blanc s'était créé, j'ai pris mon verre et j'ai dit :
"À notre santé."
Pour ensuite trinquer et avaler nos médocs.
J'ai remarqué que dans une journée, il a une plus grande dose que moi, il est aussi toujours en sweat, même quand on va prendre l'aire, il fait beau pourtant ? Après je le fais aussi parce que malgré tout, à cause de ma faible corpulence, j'ai souvent froid. Peut-être que lui aussi ?
On est des mystères l'un pour l'autre et... c'est peut-être mieux ainsi.
Un ami qui peut me comprendre sans trop en savoir, que demander de plus pour tenir le coup ?
Sauf que ce soir face à mon assiette, une larme m'échappe, je l'essuie mais je craque alors je me lève et quitte la table, aujourd'hui, je n'y arrive pas.Je m'installe dehors, sur un banc, je me sens honteuse et je ne peux pas m'arrêter de pleurer. Je craque. Comment j'ai pu en arriver là ? À être gavée de médocs qui me sonnent la plus part du temps, être face à mon assiette et angoisser à chaque bouchée, chaque jour ? Qu'est-ce qu'il ne va pas chez moi... J'ai tout pour m'en sortir désormais mais je ne me sens pas bien...
Les bras croisés contre moi, tremblante, je vois Leonardo me rejoindre, il me prend dans ses bras dans lesquels je sanglote.- C'est dur, c'est trop dur...
- Je sais... Ça fait partie du combat malheureusement...
Jean se joint à nous.
- Je vais pas y arriver, j'y arrive pas... J'y arriverai jamais...
- Jade, bien sûr que si, c'est normal d'avoir des jours plus difficiles que d'autres mais ne t'isoles pas, parles-en, tu es là et on est là pour ça. Tu as déjà évolué depuis le premier jour et tu as l'envie de t'en sortir alors il n'y a aucune raison pour que tu n'y arrives pas. M'explique l'infirmier.
- Ça me semble si long... Pourquoi c'est si compliqué ?...
- Parce que c'est encré, il faut le temps de déraciné tout ça et c'est pareil pour tout le monde. Un bras cassé ne se répare pas en un jour, pour la santé mentale c'est pareil. Et il y a des jours avec et des jours sans, des rechutes et c'est normal, ce que tu vis là c'est normal. Ça ne remet pas en doute tous tes efforts alors ne doute pas de tout ce que tu as passé jusqu'à maintenant, d'accord ? C'est pareil pour toi aussi Leo.
VOUS LISEZ
Jade, un trouble sous contrôle...
Diversos"Je me suis une nouvelle fois regardée dans le miroir, nue, me trouvant moche et pas assez maigre. M'attaquant à mon physique, créant un trouble me faisant oublier ce qui me trouble réellement..."