V : Famille parfaite...

102 10 8
                                    

[Dollhouse - Melanie Martinez]

We'll be a perfect family...

"Garde le sourire ma chérie."
Oui maman...

De l'extérieur, nous avions l'aire d'une famille parfaite, une famille aimante. Un père marrant qui ferait tout pour les deux femmes de sa vie, une mère amoureuse, une enfant souriante.
Les photos sur nos murs, des sourires, détournant l'attention aux détails plus sombres.
Personne n'a jamais pensé à regarder derrière le cadre, plus loin que les bords de ce bois embellissant le tout.
La photo de mon cousin et moi est celle qui me tourmente le plus mais elle est aussi celle que j'aime le plus...
Ses mots au début où les crises ont commencé. Où mon âme d'enfance fût meurtrie et où cette vision de cocon familiale est devenue l'enfer sur terre.
Il était déjà assez dur mais pas monstrueux. Fût un temps où les câlins faisaient partis du quotidien, où cette part sombre était bien cachée...
J'étais petite quand ça a commencé, mais bien plus tard, tout a réellement basculé et le plus grand regret de ma vie est né ce jour-là.

- Papa ! On s'est moqué de mes poignets d'amour aujourd'hui...

- Jade, tu as 13 ans.

- Et alors ! Ils ont pas le droit et je leur ai bien fait comprendre !

- En soit, ils ont un peu raison.

- Pardon ?

- Mais bon, tu n'es juste pas dans les normes, n'en fait pas tout un plat ! Ton cousin va bientôt arriver. Tiens-toi bien.

- J'ai hâte !

Au fond, mon égo venait d'être brisé. Mais j'étais tellement contente que Lucas vienne passer les vacances à la maison que j'en ai fait abstraction, je me disais que ça calmerait un peu l'ordure. D'habitude c'est moi qui allais chez lui, on vit assez loin l'un de l'autre et là j'ai souhaité que se sois lui qui vienne chez moi. Si j'avais su...

Lucas arriva, hyper content. Je lui ai sauté dessus puis il est allé saluer mes parents. On est partis faire un peu de vélo ensemble, jouer au ballon puis on est rentré jouer à la console. Il est plus grand d'un an et on s'entend comme des amis, il est comme mon frère.
On nous disait les inséparables. Un amour fraternel de dingue, toujours présent... Loin des yeux près du cœur...
Le moment du souper arrivait alors que mon père commençait déjà à être pompette avec ses bières, à table, devant son neveu. J'étais assez gênée...
Lucas n'avait pas l'aire d'y prêté une réelle attention, il devait se dire que c'était normal. Maman nous a demandé de se rapprocher lui et moi afin de nous prendre en photo. Celle qui est maintenant dans mon hall d'entrée...
Quand on a eu fini nos assiettes, on s'installa devant un film jusqu'au moment d'aller dormir.
Mon père montra la nouvelle chambre d'amis à son neveu. Avant c'était un bureau, elle avait simplement été emménagé avec un matelas au sol mais confortable. Je l'ai aidé à monter ses affaires et j'ai assisté à une discussion entre mon ennemi et mon meilleur ami.

- Lucas fronce les sourcils. Il n'y a pas de clé ?

- Non, c'est pour vos sécurités, au cas où il vous arrive quelque chose, Jade non plus en n'a pas.

- Oh, d'accord. À la maison j'y ai droit puisque je grandis du coup voilà... Je me posais la question.

- Oui bah tu n'es pas à la maison ici ! Si ça ne te plaît pas c'est pareil !

Je deviens toute rouge, voyant mon cousin mal à l'aise.

- Pardon c'est pas ce que je voulais dire... Excuse-moi.

- Tu es pardonné. Il embrasse son front, bonne nuit Lucas.

- Bonne nuit tonton, bonne nuit Jaaade ! Il me prit dans ses bras et me décoiffa.

Je me suis fait renvoyer assez vite dans ma chambre. Il voulait que nous dormions mais cette nuit-là, le sommeil fût compliqué à trouver.
Je cogitais pensivement sans savoir pourquoi.
Vers une heure du matin, j'ai entendu des pas, de la chambre de mes parents, aller jusqu'à celle de mon cousin. J'ai reconnu les pas de mon père.
J'ai entendu la porte faire du bruit.
J'ai entendu des mots, sans les comprendre, des mots peut-être que j'ai voulu oublier.
J'ai entendu du bruit.
Des soupçons de pleurs ?
Rien de plus.
Le lendemain mon cousin n'était pas au top de sa forme, j'avais pas compris tout de suite. Du moins, je me suis dit que ça ne pouvait pas être ce que je pensais...
J'avais pensé à une mauvaise mine, on a alors voulu sortir, j'ai tout fait pour le faire rire. Et on a rit aux larmes, oh oui, rit aux larmes...
Mais il y avait-il que des rires dans ses larmes ?
Cette deuxième journée passa, la nuit arriva, j'ai traîné avec lui le soir et mon père m'a renvoyé me coucher.
Même scène que la veille, Lucas semblait exténué au matin.
La journée était longue, je sentais qu'un truc n'allait pas, j'avais un mauvais pressentiment.
Quand la nuit a pointé le bout de son nez, j'ai tenté de rester à ses côtés. Il me l'avait demandé et on a supplié mon père qui campait sur ses positions : "Chacun sa chambre !".
Rien n'y faisait.
Si j'avais su, si j'avais pu, si j'avais eu cette compréhension, je serais restée quit à me manger une tourniole. Une de plus, une de moins, j'étais et je suis plus à ça près...
Il était 2h30 du matin, j'étais sur mon téléphone, écouteurs, le sommeil était une fois de plus introuvable.
Entre deux paroles de musique j'ai entendu des pleurs venir d'à côté.
J'ai sursauté et enlevé mes oreillettes pensant halluciner. Mais ils ont continué et des supplications se sont fait entendre.
"S'il te plaît..."
"Lâche-moi ! "
"Arrête, tu me fais mal...! ".
Des sanglots, puis, un silence lourd.
J'ai couru dans la chambre de maman, paniquée.
Elle, elle était assise sur son lit, elle faisait rien, une boite de calmant était présente à ses côtés, l'empêchant d'agir normalement et de réfléchir.
J'y avais pas fait attention, j'ai voulu l'alerter. Lui dire qu'il se passait quelque chose de pas normal, qu'il faisait du mal à son neveu, qu'il le frappait sûrement.
Et j'ai lu dans son regard qu'elle savait ça mais qu'elle en ferait rien.
Elle m'a renvoyé me coucher, d'une voix impuissante.
J'ai tourné en rond, voulant appeler les flics mais j'avais peur, peur des représailles. J'étais qu'une enfant qui ne comprenait pas se qu'il se passait de l'autre côté du mur.
Mon père est sorti, il m'a vu dans le couloir et pour cause, je me suis mangée une droite laissant une belle trace sur mon visage jusqu'au lendemain. Avec des mots, et je cite "Tout ça, c'est de ta faute.".
Il est reparti dans sa chambre, moi dans la mienne, j'étais sonnée, les larmes ruisselaient sur mes joues.
Dans le fond, il avait raison, c'est moi qui avais insisté pour qu'une fois se soit mon cousin qui vienne passer les vacances à la maison... C'était de ma faute.
Le lendemain, mon cousin n'a pas arrêté de vomir, encore et encore. J'ai à peine pu l'approcher voulant être là pour lui mais il m'a demandé de le laisser.
Son regard était anéanti, éteint.
Ma mère a appelé la sœur de mon père pour qu'elle vienne récupérer son fils, insinuant qu'il était tombé malade, qu'il avait sûrement eu une indigestion.
Il est alors rentré chez lui et on ne se voyait plus comme avant depuis.
Puis on a grandi, et on en a reparlé...
Difficilement... Mais on en a reparlé.
Il m'a dit avoir vécu les pires moments de sa vie, il m'a expliqué que depuis plus rien ne va.
Il a voulu me rassurer, me déculpabiliser car il sentait bien que je m'en voulais.
Sans trop de détails, il m'a dit qu'il lui avait fait des choses sans son consentement, des choses horribles...
Il m'a dit que le jour où il sera prêt, et, où je serai prête, il me montrera une lettre qu'il a écrite, le soir, chez lui, après avoir passé des heures sous la douche.
Ce soir-là, quand on a raccroché, j'ai fondu en larmes et j'ai cogné ce mur qui faisait transpercer les appels à l'aide de celui que je considère comme mon frère, et j'ai rien fait.
La culpabilité me ronge chaque jour...
Je ne dort plus bien dans ma chambre depuis le soir où mon cousin a quitté la maison. Revivant ces moments avec questions et regrets.

Attouchements ? Viols ?

Dans tous les cas, je vis avec un violeur et je ne peux même pas le dénoncer.
Lui non plus.
Pour elle.

"Garde le sourire ma chérie."
Oui maman...

We'll be a perfect family...

Jade, un trouble sous contrôle...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant