➹ chapitre 3

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Jisung s'était levé aux aurores, réveillé par les hennissements des chevaux qui s'impatientaient dans leurs stalles. Puisqu'il avait élu domicile dans une petite pièce annexe des écuries, il entendait le moindre bruit. Son patron, un homme d'une cinquantaine d'années, bedonnant et un peu rustre, lui avait permis de s'installer là depuis ses douze ans. Depuis que sa mère l'avait quitté pour - il l'espérait - un monde meilleur.

Son absence était difficile à supporter parfois, il se sentait abandonné, elle lui manquait terriblement lorsqu'il se retrouvait seul à la tombée de la nuit. Mais il se consolait en se disant qu'elle avait tout fait pour qu'il ne soit pas à la rue. Elle n'avait pas beaucoup de moyens, sa situation avait toujours été précaire, mais elle avait des contacts, et c'était sans doute ce qui avait sauvé son fils. Il se souvenait d'où il venait, de son enfance un peu étrange, mais pas malheureuse pour autant. Il avait toujours été heureux avec sa mère, même s'il n'avait jamais connu son père, qu'il était parti avant même qu'il ne vienne au monde. Cela lui était égal, il s'était forgé comme ça, il avait fait de ce manque une force.

Il avait grandi dans une maison close d'Écrin, entouré de jeunes femmes qui l'avaient pris sous son aile quand il n'était qu'un gamin. Il les avait toutes considérées comme ses mères, mais aucune d'entre elles ne pouvait remplacer la sienne. Il avait vite compris les enjeux de leur travail et encore aujourd'hui, il y repensait souvent quand il se promenait dans la capitale afin d'aller chercher de quoi se nourrir. Il apercevait la grande bâtisse aux pierres bordeau, et tous ses souvenirs remontaient à la surface. Cependant, il évitait à tout prix de passer devant, il n'avait pas envie d'être reconnu.

Sa mère s'était vendue pour survivre, pour qu'il ne manque jamais de rien, qu'il puisse manger à sa faim et avoir un toit au-dessus de la tête. Grâce à cela, il avait pu s'en sortir, et à son tour obtenir un petit boulot qui, même s'il ne payait pas bien, lui était bien utile. Elle avait toujours désiré qu'il ne finisse pas comme elle, dans un bordel, à assouvir les désirs des autres.

Même si son patron n'était pas toujours très sympathique, qu'il le faisait travailler dur pour un maigre salaire, il ne se plaignait jamais. Il endurait toutes les épreuves, surmontait toutes les difficultés, car c'était ce que sa mère aurait aimé. Avant qu'elle ne s'éteigne pour toujours, elle lui avait fait promettre qu'il resterait fort, qu'il vivrait longtemps, et qu'il serait heureux. Jisung devait tenir cette promesse, coûte que coûte. C'était ce pour quoi il tenait bon, même quand il avait envie de tout lâcher, même quand il se sentait anéanti, à bout de forces. Et puis, il était fier d'avoir l'honneur de servir la couronne, même s'il n'était qu'un palefrenier aux écuries royales. Il avait la sensation d'être utile, et pour rien au monde il n'aurait échangé sa place.

Mais cela faisait quelques jours qu'il était distrait. Il repensait à ce bal qui avait eu lieu au palais d'Écrin. Il se sentait différent depuis sa rencontre avec le roi Lee Minho. Chaque soir, en allant se coucher, il rejouait cette soirée spéciale et il avait la sensation de l'avoir rêvée. Pourtant, rien n'était flou dans son esprit. Il se souvenait de chaque minute, de chaque détail, de chaque mot, de chaque émotion qu'il avait ressenti. Quand il s'était retrouvé face au souverain d'Askaria, quelque chose en lui avait subitement changé. Il s'était senti apaisé, mais aussi tourmenté. Son cœur s'était mis à battre à tout rompre, et son crâne l'avait fait souffrir. Il avait même dansé avec lui, les yeux dans les yeux, et il avait eu l'impression de le connaître depuis la nuit des temps.

Lee Minho, le grand roi, lui avait accordé une danse. S'il n'était pas aussi sûr de s'être rendu au palais ce soir-là, il aurait pu penser qu'il avait tout inventé. Après tout, qui pouvait bien s'intéresser à un simple palefrenier ? Il n'était pas bien né, il n'était personne, et Lee Minho pouvait trouver bien plus beau Trésor que lui. Il était le roi, riche, séduisant, tout-puissant. Il était la personne la plus importante de tout le royaume, convoitée par les plus belles femmes de la cour et même au-delà des frontières. Il pouvait tout obtenir, absolument tout, pourquoi irait-il s'encombrer d'un avorton comme lui ?

UTOPIA : LE TRÉSOR DU ROI ➹ minsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant