➹ chapitre 10

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Un vacarme assourdissant avait éclaté aux aurores. Les portes des quartiers royaux s'étaient ouvertes très tôt ce matin afin de laisser filer Minho accompagné de Felix. Jisung, aux premières loges, n'avait rien manqué de cette scène à la fois intrigante et hypnotisante. Le roi s'en était allé d'un pas décidé, le menton haut et le regard dur. Il avait senti une tension émaner de lui, si intense qu'elle aurait terrassé n'importe quel ennemi. Minho était le roi le plus puissant de ce monde, le plus riche, le plus craint, et cela se voyait sur son visage. Pourtant, Jisung savait mieux que personne à quel point il pouvait se montrer doux. À quel point il pouvait être vulnérable. Lorsqu'ils n'étaient que tous les deux, il voyait en lui l'être humain qui se cachait sous une couronne d'or et de pierres étincelantes. L'être humain qui se dissimulait derrière des vêtements luxueux et aux tissus coûteux. Mais il avait envie d'en découvrir davantage. De tout connaître de lui, dans les moindres détails.

Les avant-bras croisés sur l'appui de fenêtre, Jisung soupira lourdement. Il avait déjà la sensation de le connaître depuis toujours, sans vraiment savoir qui il était. Il ferma les yeux un court instant et se remémora leur tout premier baiser échangé. Il crut que le sol se dérobait sous ses pieds. Les douces lèvres du souverain liées aux siennes, ce n'était pas un rêve, c'était la réalité. Il l'avait véritablement vécu. D'un geste machinal, il porta deux doigts à sa bouche et caressa ses lippes avec précaution. Un sourire les étira. Son cœur se gonfla de bonheur et dans ses veines circulait un liquide qui le transportait dans un tout autre monde. Leur monde. Ce monde si flou et à la fois si réaliste. L'Arbre, l'agréable mélodie, les animaux, la présence de Minho à ses côtés.

« Tu m'as retrouvé. »

Ces mots, ils les avaient entendus tant de fois de la bouche du roi, mais il ne parvenait toujours pas à comprendre ce qu'ils signifiaient. Il avait cette même impression, de l'avoir retrouvé, ce sentiment étrange de l'avoir connu avant leur première rencontre au palais, peut-être dans une autre vie. Dans cet autre monde.

Il inspira à pleins poumons et rouvrit les yeux. Le grand chêne semblait lui aussi le contempler. Ses longues branches tendaient dans sa direction, comme si elles cherchaient à l'atteindre pour venir le toucher. Elles bougeaient lentement, dans des mouvements gracieux. Les feuilles paraissaient d'une douceur certaine, et Jisung eut presque envie de les sentir se glisser sur sa joue. Il se sentait protégé ici, dans ces lieux sacrés. Rien ne pouvait l'atteindre. Rien ne pouvait le faire flancher. Il y avait constamment quelqu'un qui l'observait, qui le surveillait, comme lui surveillait l'Arbre pour le protéger en retour.

En réalité, ils s'étaient retrouvés. Il en avait désormais la certitude. C'était inscrit en lui, au plus profond de son être, ancré dans son âme.

De discrets bruits contre la porte le firent quitter ses doux songes et, quelques secondes après, Yoko pénétra dans la bâtisse, les bras chargés. Elle le salua et il lui répondit d'un sourire avant qu'elle ne dépose sa cargaison sur une des commodes colorées.

— Une nouvelle parure pour ton lit, dit-elle en dépliant un grand morceau de tissu d'un blanc éclatant.

Jisung quitta la fenêtre pour venir s'y intéresser. Il frôla le drap du bout des doigts ; il était soyeux et agréable. Tout était d'excellente facture, Minho le choyait comme un prince.

— C'est magnifique, dit-il d'une voix basse.

— Le roi dit qu'il n'y a rien de trop beau pour toi.

Il sentit une chaleur se diffuser sur son visage, si bien qu'il posa les mains au niveau de ses joues pour tenter de dissimuler d'éventuelles rougeurs. Il était comblé, plus que cela même. Il n'avait jamais aspiré à une vie aussi luxueuse, il n'en aurait même jamais eu l'idée auparavant. Il n'avait connu qu'un quotidien difficile et éreintant depuis sa naissance. Il avait aimé son travail aux écuries royales, il serait à jamais reconnaissant pour ce que son patron lui avait offert. Il lui avait permis de vivre, ou tout du moins de survivre. Sans ce boulot de palefrenier, il aurait été condamné à errer dans les rues de la capitale, à voler aux plus riches, ou même à fuir dans une autre région du pays.

UTOPIA : LE TRÉSOR DU ROI ➹ minsungOù les histoires vivent. Découvrez maintenant