UTOPIA : LE TRÉSOR DU ROI ➹ minsung

➹ intermède 1

- Légendes d'Asketrae, archives du palais d'Écrin.

Lovi avait couru nuit et jour pour retourner à Écrin, là où tout avait commencé. Il avait bravé le froid et la neige. Il avait affronté le soleil ardent, la faim et la soif. Il avait défié la pluie et le vent.

Il aperçut l'immense chêne au loin, et il redoubla d'effort. Il était épuisé, anéanti, haletant. Son corps meurtri par la guerre le faisait souffrir. Son coeur était en miettes. Il avait besoin de retrouver sa maison, d'être rassuré, d'enfin être paisible. Il passa la grande porte de la cité, traînant ses pattes abîmées par les centaines de kilomètres qu'il avait parcourus. Encore un peu et ils seraient enfin réunis. Il puisa dans ses dernières ressources, il ne pouvait pas abandonner maintenant. Il devait le retrouver, coûte que coûte. Il devait le retrouver, même s'il mourait près de lui.

Il traversa les rues abandonnées où régnait le chaos. La ville avait été mise à feu et à sang par les rebelles qui s'étaient opposés au culte de l'Arbre. Ils avaient chassé les premiers hommes, mais aussi les créatures élémentaires. Ils avaient dû fuir vers Brécéris pour ne pas périr sous la lame de leurs bourreaux.

Lovi titubait, la vision floue, les membres douloureux. Il se hissa jusqu'au palais, ce dernier était plongé dans un calme olympien, comme si aucune bataille n'y avait eu lieu. En réalité, tout le monde était mort. Les survivants de ce massacre étaient partis à temps sous sa protection. Il aurait aimé sauver tout le monde, mais il en avait été incapable. Il avait fait tout ce qui était en son pouvoir.

Il s'ébroua, sa crinière dorée remuant dans tous les sens pour disperser les gouttes d'eau qui l'imprégnaient. Quand il entra dans le sanctuaire et qu'il leva les yeux, il se sentit aussitôt apaisé. Il était de retour chez lui. De ses imposantes pattes, il pétrit le sol pour se coucher au pied de l'Arbre sacré, entre ses racines. Recroquevillé sur lui-même, il garda un œil ouvert, soucieux de ne laisser personne s'approcher du grand chêne. Il était Lovi le protecteur, celui qui veillait sur lui et qui le protégeait des agressions. Il ne laisserait rien ni personne lui faire de mal. Il était son maître, son créateur, son père, son monde. Il avait déjà assez souffert de la vilenie des hommes, de leur égoïsme et de leur arrogance. Si l'Arbre était affaibli, ils le seraient tous. Le monde mourrait à petit feu et sombrerait dans les abîmes.

Le souffle de Lovi se fit plus lent. Peu importe ce qui pouvait lui arriver, il serait toujours là pour veiller sur l'Arbre. Il serait présent en toutes choses, dans le bleu du ciel, dans l'herbe verte, dans la chaleur du vent, dans l'eau des rivières.

Il était Lovi, le Lion, le Protecteur.