UTOPIA : LE TRÉSOR DU ROI ➹ minsung

➹ chapitre 26

Résigné, Minho avança vers l'autel. Il garda le visage relevé, le regard fixe et les bras le long du corps. Il ne prêta pas attention à tous ces yeux qui l'analysaient, à ces chuchotements incessants qui lui parvenaient aux oreilles malgré le son des tambours et autres instruments. Il était le centre de l'attention, celui que tout le monde attendait avec impatience.

Le roi d'Askaria.

Il traversa la salle d'un pas lent, presque nonchalant. Il n'avait pas hâte de finir sa course et de se retrouver face au vieux sage à l'expression bien trop solennelle à son goût. Et pourtant, il y fut plus vite arrivé qu'il ne l'avait imaginé. Engoncé dans une tenue aux multiples couches, il se courba légèrement. Felix arriva avec en sa possession la couronne de la famille royale qu'il déposa avec délicatesse sur la tête du souverain. Minho ferma les yeux et inspira profondément avant de se redresser. Il n'accorda aucune attention à l'homme qui se trouvait à ses côtés depuis sa plus tendre enfance. Il lui en voulait encore, et sa rancœur n'était pas prête à s'envoler. Il ne voulait pas retomber et le pardonner.

Il se tourna et prit conscience de la foule qui emplissait la salle du trône. Il avait cherché à l'éviter, à en faire fi, mais impossible. Tous les plus grands noms d'Askaria avaient répondu présents à l'invitation et, même s'il ne les avait pas encore aperçus, Minho savait que les représentants des autres pays avaient été conviés. Après tout, personne ne devait manquer la cérémonie qui scellait l'alliance qu'ils avaient signée avec Kredal. C'était un événement majeur dans le monde d'Asketrae, un événement qui devait mener à un héritier, descendant du premier Homme que l'Arbre avait nommé comme son représentant. Malgré cela, Minho peinait à se réjouir. À ses yeux, ce jour était sans doute un des plus funestes qu'il eut vécu. Épouser une femme afin qu'elle devienne sa reine était une épreuve douloureuse, mais qu'il était forcé de surmonter. De nombreux obstacles s'étaient imposés face à lui par le passé, et il avait toujours réussi à les dompter, il devrait en faire tout autant avec celui-ci.

Les tambours retentirent de plus belle, résonnant dans la pièce et dans le cœur du roi. Elle arrivait. Les portes s'ouvrirent pour dévoiler la princesse Park Jihyo, vêtue aux couleurs du royaume dont elle deviendrait reine dans peu de temps. Sa longue robe d'un rouge sang aux broderies d'or rendait sa taille encore plus fine qu'elle ne l'était et dévoilait une poitrine généreuse sur laquelle prenaient place de somptueux dessins à l'encre noire. Ils étaient similaires à ceux de ses avant-bras, recouverts d'un tissu ample et transparent. Des branches de cerisiers en fleurs étaient une coutume propre à Kredal. Le jour de leur mariage, les jeunes femmes vierges se devaient de revêtir ces peintures ; sur leur décolleté, leurs avant-bras et leurs jambes. Minho déglutit lorsqu'elle arriva près de lui au bras de son père. Depuis leur dernier dîner, les mois avaient passé, la neige s'en était allée pour laisser place à un paysage qui reprenait vie. Mais dans la poitrine du roi, l'hiver demeurait encore. Glacial et impitoyable. Il eut la sensation qu'il ne pourrait plus jamais se réchauffer, qu'il resterait figé à cet endroit, à cet instant. À ce moment où sa vie semblait s'arrêter.

Cependant, Minho n'oubliait pas Jisung. Il ne l'oublierait jamais, il le lui avait promis. Il aurait toujours une place spéciale dans sa vie, dans son esprit, dans son cœur. Jisung serait toujours le bienvenu, peu importe s'il avait pris femme. Peu importe s'il devait être un mari pour cette princesse qu'il n'avait pas désirée. Il lui avait demandé de ne pas venir à la cérémonie, de ne pas assister au banquet, par peur de souffrir. Par peur de le faire souffrir. Il ne voulait pas qu'il le voie aux côtés de son épouse, qu'il voie sa peine et sa culpabilité. Mais il savait qu'il était capable de les ressentir. Jisung et lui étaient liés, et rien ne pouvait défaire ce lien qui les unissait.

Sungjin abandonna sa fille après avoir salué Minho d'un petit signe de la tête. Dans ses yeux, il avait pu déceler une menace. Il le mettait en garde, il devait prendre soin de Jihyo. Il tenterait d'en faire ainsi, même s'il ne l'aimait pas. Il n'était pas odieux, il ferait tout ce qui était en son pouvoir pour que sa femme se sente bien à Écrin. Il ferma les yeux un court instant en réalisant plus que n'importe quand ce qui se déroulait. Il avait la sensation d'être dans un véritable cauchemar, mais ce n'était que la réalité. Park Jihyo était là, face à lui, prête à l'épouser aux yeux du monde entier.