UTOPIA : LE TRÉSOR DU ROI ➹ minsung

➹ chapitre 6

Toute la nuit, Jisung avait rêvé de Minho. L'homme s'était immiscé dans son esprit et il semblait ne plus vouloir en sortir. Maintes fois, il l'avait vu apparaître et se volatiliser sous ses yeux. Il le sentait si proche et en même temps si loin qu'il en avait eu mal au cœur, qu'il en avait eu la nausée. Il ne pensait qu'à lui et sa présence lui faisait autant de bien que de mal. Il ignorait comment expliquer ce qu'il ressentait, toutes ces sensations étaient étranges et nouvelles. Jamais quelqu'un ne l'avait autant hanté. Ses songes étaient tous plus ou moins similaires ; il arrivait au pied du grand chêne pour le contempler. Il observait la sève d'or couler dans les rainures, il avait l'impression d'entendre son cœur battre en rythme avec le sien, que l'Arbre sacré était vivant et qu'il l'appelait.

Jisung. Jisung. Jisung.

Une silhouette le rejoignait et plus il rejouait cette scène, plus la silhouette énigmatique prenait la forme de Lee Minho. Il se tenait debout à ses côtés, puis s'envolait. Il se tenait debout à ses côtés, et lui souriait. Il revenait, encore et encore, comme s'il s'approchait de plus en plus de son objectif, et il finissait par réussir à le toucher. Une main sur son épaule. Une main dans la sienne. Une mèche de cheveux rebelle qu'il replaçait derrière son oreille. Jusqu'à ce qu'il réussisse à articuler quelques mots : « Merci de m'avoir retrouvé ».

Jisung frissonna et s'essuya le front du revers de la manche. Il était trempé tant il avait gigoté durant son sommeil. Il avait clairement entendu ces paroles sortir de la bouche du souverain. Il s'agissait de sa voix, ça ne faisait aucun doute. Il se demanda si lui aussi avait eu une nuit mouvementée, s'il l'avait vu dans ses songes, s'il lui avait parlé et l'avait touché. Il avait terriblement envie de savoir, de le voir, de plonger dans son regard sombre, mais qui semblait lui dire tant de choses.

Pelotonné dans son lit douillet, il serra les couvertures contre son torse et inspira à pleins poumons l'agréable odeur que portaient ses draps. Il était bien ici, il était en sécurité, et il avait envie d'y rester pour toujours. Mais il savait que bientôt, il rejoindrait l'Appartement des Trésors. Son répit allait être de courte durée. Ses deux autres camarades ne seraient pas aussi cléments que Yoko, ils n'hésiteraient pas à se montrer moqueurs à son égard, et ce même s'il s'avérait être le favori de Minho. Il ne voulait pas faire d'histoire et avoir l'air de se plaindre, il ferait tout pour encaisser leurs bassesses et se montrer fort. Il n'avait pas envie d'avoir un traitement de faveur, même s'il aspirait secrètement à ce que Minho le choisisse pour rester auprès de lui.

À ce jour, aucun Trésor n'avait encore trouvé grâce à ses yeux. Il pouvait tout avoir, quand il le désirait, où il le désirait, et dans la capitale, tout le monde s'étonnait qu'il n'ait toujours pas trouvé chaussure à son pied. Certains parlaient d'une union attendue depuis des années, d'autres discutaient du souverain comme d'un homme peu intéressé par les relations, qu'elles soient purement charnelles ou d'ordre sentimental. Des bruits - auxquels Jisung ne portait que peu de crédit - couraient au sujet de Minho et du Petit Frère du roi. Certes, il avait remarqué qu'ils étaient proches, sans doute amis, mais il s'était toujours imaginé que le rôle de Felix l'avait obligé à être aux côtés de son souverain en toutes circonstances.

Il ne ressentait aucune animosité envers celui-ci, même s'il l'intimidait et qu'il l'avait plusieurs fois scruté avec dédain. Ses yeux perçants lui criaient combien il restait sur ses gardes, combien il se méfiait de lui et de ce qu'il pouvait faire à Minho. Jisung ne lui ferait aucun mal. Il ne ferait de mal à personne d'ailleurs, il en était incapable. Et puis, il avait une intime conviction que s'il était là, c'était pour le protéger. De qui ? De quoi ? Il n'en savait rien. Mais dans ses rêves, il avait le sentiment d'être une sorte de gardien, un protecteur que le roi attendait depuis très longtemps. Peut-être se faisait-il des idées, peut-être que son esprit lui jouait des tours. Il décida de cesser de cogiter de la sorte et de se lever. Même s'il avait eu un sommeil on ne peut plus agité, il était en pleine forme. Il s'installa sur le bord du lit et s'étira, les bras levés vers le plafond et les jambes tendues devant lui. Après avoir passé une main dans ses cheveux défaits, il posa les pieds au sol. Il était étrangement chaud.