CHAPITRE 1

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    YSIA

Un pas après l'autre, j'avance à travers les rues de Syracuse. Si j'avais un bon cardio, je serais probablement déjà en train de courir pour rejoindre mon appartement le plus vite possible. J'ai l'impression que à tout moment mon corps cesse de fonctionner et gèle de lui-même. Je me maudis d'avoir oublié mes gants sur le comptoir de la cuisine ce matin.

    En arrivant devant mon immeuble, je pousse la porte et grimpe les 3 étages qui mènent à mon petit appartement. Je lâche un soupir d'aise en sentant la chaleur de la pièce. Je me débarrasse de mon manteau ainsi que de mes bottes et je fonce à la cuisine. Je décide de faire des œufs brouillés avec quelques tomates et du bacon.

    Enroulée dans une serviette, je me déplace jusqu'à la cuisine pour me faire ma tisane aux fruits rouges. Je me pose ensuite dans le canapé, mon ordinateur sur les genoux. Comme chaque soir, j'écris ce que j'ai fait de ma journée. Une fois chose faite, j'envoie bien évidemment tout ça à l'adresse mail sélectionnée puis je ferme mon ordinateur en allant dans ma chambre, essayer de trouver le sommeil.

-    Punaise, j'étais sûre qu'il restait au moins une bouteille, râlais-je.

Déçue de ne pas pouvoir me faire mon chocolat chaud habituel, je prends donc une pomme que je prends le temps de manger.

Une fois ma pomme engloutie, je récupère mes clés et mon manteau et je passe la porte de mon appartement.

-    Bonjour Éveline, saluai-je en entrant dans mon lieu de travail.

-    Bonjour ma poule, comment vas-tu ?

Éveline se tourne vers moi, les bras remplis de livres. Automatiquement mes lèvres s'étirent. Cette soixantenaire est un vrai rayon de soleil. Elle est toujours souriante, toujours attentionnée et positive. Je n'ai jamais vu ça.

-    Ça va merci, je réponds dans un sourire, tu as besoin d'aide ?

-    Oh je veux bien que tu m'ouvres la porte de la réserve s'il te plait, on a reçu de nouveaux exemplaires ce matin.

Je fais donc ce qu'elle me demande et me mets au travail. Je range les livres qui ne sont pas au bon endroit, je réapprovisionne les rayons, je prépare les commandes. Étant donné la taille de la librairie d'Éveline, ce n'est pas de tout repos.

-    D'ailleurs ma poule, est ce que ça te dérangerait de faire la fermeture ce soir, me demande-t-elle, je dois impérativement aller faire les courses si je ne veux pas mourir de faim.

Moi qui comptais aller faire mes emplettes pour acheter mon lait et mes petits gâteaux...

-    Non bien sûr, vous pouvez compter sur moi, je réponds malgré moi.

Je suis bien trop timide pour ne pas faire ce que l'on me demande. Éveline me répond d'un sourire et nous nous remettons au travail.

-    Bien, n'oublie pas de fermer à double tour et de fermer le store, me rappelle la soixantenaire.

-    Oui oui ne vous inquiétez pas, ça sera fait.

Éveline s'approche, m'embrasse la joue et s'en va aussitôt. Les portes se ferment et mon soupir s'étend dans toute la pièce. Je regarde ma montre. 18h07. Encore une heure et vingt-trois minutes. Je fais un tour sur moi-même pour voir ce qu'il me reste à faire, puis je me mets au travail.

La porte fermée à double tour et le store baissé, je souffle un bon coup pour me donner le courage d'affronter ce froid polaire. J'avance la tête enfouie dans mon écharpe, les mains dans les poches et les écouteurs aux oreilles.

Je traverse une petite rue pas très bien éclairée mais jamais vraiment fréquentée. Je relève la tête de mon écharpe pour regarder devant moi.

Mon cœur s'arrête d'un coup.

Mes mains deviennent moites automatiquement.

Je sens mon coeur battre à toute vitesse.

Des yeux. Il y a des yeux. En face de moi. Ils me regardent. Sans ciller.

Inspire. Expire. Inspire. Expire

Ce sont des yeux d'animaux. Mais quel animal se trouve en face de moi ? Est-ce qu'il va me manger ? Est-ce qu'il va me sauter dessus ?

-    Oh punaise j'ai eu si peur ! Me murmurai-je à moi-même après avoir entendu son miaulement.

Un chat. Rien d'autre qu'un chat errant dans les rues de Syracuse. Je pose une main sur mon cœur, l'obligeant à retrouver un rythme normal. Puis je m'accroupis pour caresser ce qui était la cause de ma semi-crise cardiaque il y a à peine quelques secondes. Il fait sombre, mais je devine tout de même son pelage foncé. Marron ou noir. Il se frotte a mes genoux tout en miaulant. C'est d'ailleurs à ce moment que je me souviens ne pas avoir mangé tout mon plat de ce midi, comme chaque jour. J'attrape donc mon tote bag et plonge la main dedans pour en sortir ma gamelle, contenant un reste de thon. J'ouvre la boite et la pose délicatement devant l'animal.

En moins d'une minute, la boite est vide. Comme neuve, prête à être rangée dans le placard. Je laisse échapper un rire en voyant le chat se lécher les babines. Je m'accroupis pour une dernière caresse, puis je reprends ma route.

Arrivée à mon appartement, je me débarrasse de mes affaires, me lave les mains et prépare à manger. Salade de tomates avec un reste de riz.

Rassasiée, je file prendre ma douche. L'eau chaude apaise directement mes jambes endolories. Je passe bien 5 minutes à profiter de la sensation de cette chaleur. J'ouvre les portes floutées de la douche et récupère ma serviette posée sur le lavabo. Je prends ensuite ma brosse à cheveux et commence à démêler ma longue tignasse noire. Une fois chose faite, je me brosse les dents et sors de la pièce, ma serviette toujours sur le dos.

Je récupère l'ordinateur et écrit ma journée dans les moindre détails. Je ne me relis pas. Jamais. J'écris ce qu'il me passe par la tête. Je regarde le nom du destinataire. Je détourne les yeux une seconde. J'appuie sur envoyer. Je ferme l'ordinateur. Et je prépare ma tisane pour éviter de me perdre dans mes pensées. Malgré moi, mes yeux me brulent.
Tu es faible.
J'essuie l'unique larme qui a coulé. Je récupère ma tasse et file dans ma chambre.

Ysia KnightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant