CHAPITRE 11

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TIB

    C'est quelle vie ça de suivre les gens partout où ils vont à 8 heures du matin. Bon de toute façon j'ai pas mon mot à dire, on m'ordonne et j'exécute mais vas y le sommeil aussi c'est bien. J'avance donc discrètement derrière cette fille, habillée d'un jogging gris, d'un long manteau noir et d'une paire de chaussures blanches. Je recrache la fumée de ma cigarette de temps en temps tout en marchant sur ses pas en restant à bonne distance tout de même.

    Arrivée devant sa librairie, elle rejoint un jeune, environ la quinzaine et ils entrent tous les deux dans la librairie. Heureusement que dès que AD a supprimé le mail, il m'a appelé pour que je dépose l'ordinateur au lieu de travail de la fille.

    J'attends donc un peu plus loin de du magasin en fumant toujours la même sèche que tout à l'heure. Je m'adosse contre le mur et regarde autour de moi. À cette heure-ci, les rues de Syracuse sont assez vides. Je laisse échapper un bâillement et passe ma main libre dans mes cheveux pour les dégager de mon front.

    Environ trois quart d'heure plus tard, le gosse sort du magasin et prend une direction opposée de là où je suis. Putain elle fout quoi l'autre ?

    Ysia sort finalement de la librairie 15 minutes après. Ses longs cheveux bruns que j'ai déjà vu les jours d'avant où je la suivais sont attachés en chignon sur le haut de son crâne. Elle marche la tête baissée en direction de son appartement. Je mets ma casquette noire sur ma tête et je continue de la suivre en toute discrétion. Putain mais c'est pas possible. Elle s'arrête faire les courses dans une épicerie pas loin de chez elle. Je me cale encore une fois contre un mur et me sors une nouvelle clope. Ouais ouais ouais je suis censé arrêter mais vas y j'ai besoin de me détendre en ce moment. Y a tout qui me casse les couilles, c'est la routine, on compte, on vend, on récupère, on empoche. En plus de ça y a AD qu'est sur les nefs et je vois bien qu'il dort pas depuis un moment. On est tous soulé en ce moment. Mais on a tous signé pour ça alors on fait sans se plaindre.

    La miss ressort au bout d'une dizaine de minutes et on reprend notre route. Elle rentre calmement dans son appartement non sans se retourner quelques fois durant sa route, sûrement en sentant la présence de quelqu'un. Mais discret comme je suis, elle n'y voit que du feu. Putain je sais même pas ce que je fous là. Je rejoins la voiture que j'ai emprunté à AD et je m'installe place conducteur en attendant de voir quelque chose de croustillant. Je ne bouge pas de ma place à part pour manger mon sandwich vers 13 heures. Le temps ne m'a jamais paru aussi long qu'aujourd'hui.

    Je sursaute d'un seul coup en entendant des coups contre ma vitre. Putain je me suis endormi. Je tourne ma tête en direction de la personne qui vient de me réveiller et baisse la vitre.

-    Vous auriez pas une pièce, me demande un clochard.

Putain mais sérieusement ? J'attrape mon arme qui était posée sur le siège passager et le place pile en face de la tête du SDF.

-    Dégage de là, le prévins-je.

    Il s'en va aussitôt et je souffle un bon coup en décidant de sortir prendre l'air un coup. Je revisse correctement ma casquette sur ma tête et j'ouvre la portière pour m'adosserai à la voiture. Je regarde en direction de l'étage 4 et voit qu'aucun volet n'est fermé alors que la ville est plongée dans l'obscurité.
Putain j'ai poireauté toute la journée dans cette bagnole. Connaissant quelque peu les habitudes d'Ysia depuis quelques jours, je fronce les sourcils à la remarque qu'aucune lumière n'est allumée et que les stores ne sont pas baissés. Je décide donc de verrouiller la voiture et d'avancer en direction de l'immeuble. Je pousse la porte, aucun code ni clé n'est demandé pour entrer dans ce bâtiment, je monte les 4 étages en trottinant en sachant déjà que quelque chose ne va pas. Je sens que ce n'est pas normal. Il s'est passé un truc c'est sûr. J'arrive au quatrième étage et mon pressentiment se concrétise en voyant la porte de la fille, grande ouverte. Je prends mon arme dans mes mains et avance le cœur battant d'adrénaline. J'entre dans l'appartement et allume directement les lumières. On peut dire qu'être venu chez elle pour récupérer son ordinateur m'a permis de me familiariser avec les lieux. J'avance dans la salon en évitant les objets qui traitent sur le sol.
Putain mais il s'est passé quoi ici ?
Je tourne sur moi-même pour voir si il y a une quelconque trace qui pourrait me laisser penser que c'est un cambriolage, mais je vois son ordinateur posé sur la table basse de son salon et son téléphone est lui, posé sur le comptoir de la cuisine. Autrement dit, ce n'est pas un cambriolage. Je souffle un coup et décide d'appeler AD. Il décroche directement mais je sais qu'il ne dira rien tant que je n'ai pas parlé, c'est AD, il est comme ça, il n'aime pas parler pour rien dire.

-    Elle est plus là putain, dis-je dans un souffle en tournant sur moi-même.

-    Qu'est ce que tu me dis Tib, j'ai pas le temps de jouer aux devinettes avec toi là, me dit-il de sa voix grave.

-    La fille, je suis chez elle et son appart est en bordel putain je sais pas ce qu'il s'est passé mais ça pue, le prévins-je.

-    Rentre et prends son ordi avec toi, me dit-il juste avant de raccrocher.

    Je soupire un coup ne comprenant pas ce qu'il se passe, je récupère son ordi et pars de l'immeuble en direction de chez AD. Je comprends rien à ce qu'il se passe, la petite avait l'air d'avoir une vie plutôt tranquille alors pourquoi y a l'air d'avoir eu la guerre dans son appart.

    J'arrive en peu de temps à la résidence, je me gare et descends pour rejoindre AD. J'ouvre la porte et salue tous les mecs d'un hochement de tête, je monte les escaliers pour me rendre directement dans son bureau. Je toque une fois et entre directement, je le retrouve devant sa baie vitrée, une cigarette à la main, comme d'habitude.

-    Explique moi, me dit-il simplement, en me tournant toujours le dos.

-    Elle est allée à la librairie ce matin rejoindre un gosse d'une quinzaine d'années et ensuite elle est rentrée chez elle donc je me suis posé dans ta caisse et j'ai dormi pour passer le temps. Sauf que quand je me suis réveillé, plus personne. Elle a disparu. Je suis monté chez elle et son appart était en bordel total, je lui explique, en déposant l'ordinateur de la fille sur le bureau.

    Il hoche simplement la tête et se tourne enfin vers moi. Ses yeux noirs me scrutent intensément, si bien que si il ne me connaissait pas par cœur, j'aurai l'impression qu'il est en train de lire mon âme. Il se passe une main dans ses cheveux et crache la fumée de sa cigarette tout en allant s'assoir sur son fauteuil.

-    Appelle Samuel, me dit-il simplement.

Ysia KnightOù les histoires vivent. Découvrez maintenant