Chapitre 1

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Comment j'ai été reniée de ma famille, ou pourquoi il ne faut jamais hériter à 17 ans.

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Léona ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Un instant, elle crut qu'elle allait s'évanouir. Qu'elle allait se réveiller. Que tout cela n'était qu'un rêve.

Mais non, elle se trouvait bien dans le bureau de l'avocate, avec ses parents, tremblant de tous ses membres. Ce n'était pas réel. Ça ne pouvait pas être vrai. Ça n'arrivait que dans les films ou les romans, pas dans la vraie vie. Et surtout pas à elle.

Elle sentit le regard de ses parents se durcir sur ses épaules. Il fallait qu'elle dise quelque chose, qu'elle bouge, mais son esprit était complètement paralysé par la nouvelle. Ça ne pouvait être vrai. L'avocate s'était trompée de nom – oui, voilà, c'était ça – ce n'était pas elle. Ce n'était pas possible.

Le son d'une notification la ramena violement à la réalité, lui faisant retrouver le contrôle de ses membres. L'avocate attendait toujours patiemment derrière son bureau.

-Vous... vous êtes sérieuse ? parvint finalement à dire Léona.

Sa voix mourante ne sembla pas choquer outre mesure la femme de loi. Elle devait avoir l'habitude de ce genre de situations. Après tout, Léona n'était pas exceptionnelle, un numéro dans un océan, un nom dans un agenda rempli à craquer... Maître Fatima Faun devait en voir passer des centaines comme elle.

-Absolument, madame Cherchebruit, poursuivit calmement l'avocate. La propriété et les biens du défunt M. O'Connor vous reviennent en intégralité. Bien sûr, légalement, vos parents les gèreront pour vous jusqu'à vos dix-huit ans, mais à votre majorité – ou à votre émancipation – iels vous appartiendront.

Elle lui désigna l'un des papiers posés face à elle.

-L'assurance de M. O'Connor et sa banque nous ont confirmé que le manoir était entièrement payé. Vous n'aurez pas de charges à ce niveau-là. Avez-vous d'autres questions, madame ?

Léona déglutit difficilement. Personne ne l'avait jamais appelé « madame ». Elle jeta un regard de détresse en direction de ses parents sans obtenir aucune réaction. Son père semblait en plein calcul, ses yeux fouillant la pièce méthodiquement, alors que les nerfs de sa mère paraissaient sur le point de lâcher face à la surexcitation. Elle avala une nouvelle fois sa salive.

-Oui... oui, beaucoup de questions.


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Iels venaient à peine de monter en voiture que la mère de Léona explosa.

-Je n'en reviens pas ! Et moi qui croyais que nous avions été convoqué·e·s uniquement pour quelques bibelots, et nous voici avec un manoir, l'intégralité des affaires de ce vieil homme et un chien ! Charles, Charles, il faut qu'on vende tout ça. Tu imagines tout l'argent qu'on pourrait en retirer ? Oui, oui, c'est ça, avec un terrain pareil, on peut le diviser, le vendre en morceaux... ou alors faire des appartements et les louer ? Charles, nous allons être riches !

Léona demeura silencieuse. L'entretien avait duré plus de deux heures et s'était conclu par la signature de tous les documents légaux par ses parents et elle. Son rôle se terminait ici. D'ici à sa majorité mi-novembre, ses parents auraient tout revendu, empoché et dilapidé l'argent, et ne se souviendraient probablement même plus de la participation de leur fille.

Elle se tourna vers la petite chienne allongée à ses pieds, complètement indifférente aux piaillements d'Hespéride Cherchebruit. Indienne McTuffy, la petite bulldog française couleur sable, faisait partie de la succession au même titre que le domaine et les meubles. Un roc de tranquillité au milieu de cette tempête.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant