Chapitre 5

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Que personne ne bouge, on m'a volé mes yaourts !

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-Salut, je suis rentrée.

Cela tenait plus du soupir que de la salutation. Sans attendre de réponse, Léona fila troquer son tailleur et ses talons pour un ensemble plus décontracté avant de se laisser tomber sur un transat au bord de la piscine. Elle ferma les yeux derrière ses lunettes de soleil pour mieux savourer l'air sur ses bras nus.

-Alors, comment ça s'est passé ? demanda joyeusement Neto.

-Affreux ! Ni l'une ni l'autre de mes deux parents ne s'est présenté.e pour signer la demande d'émancipation, et le juge ne semble pas considérer que ce soit un cas de force majeur pour autoriser mon avocate à le faire elle-même... Ce n'est pas faute de lui avoir expliqué et réexpliqué la situation pourtant ! Après tout, ce n'est pas comme si mon père était introuvable depuis...

Sa voix mourut dans sa gorge. Neto n'était pas au courant, et elle ne voulait pas qu'il apprenne ce qu'il s'était passé de manière si cavalière. Intrigué par son brusque silence, il la dévisagea, attendant la suite qui ne venait pas.

-C'est vrai que tes parents ne sont pas revenu.e.s depuis... depuis une semaine ?

-Introuvables, surtout mon père, acquiesça-t-elle mollement. Enfin ! Il va falloir que j'attende mon anniversaire pour avoir officiellement tout ça – elle engloba le manoir et le jardin – à mon nom, en espérant que d'ici-là mes parents ne fassent pas trop de bêtises.

-Anniversaire qui tombe le... ?

-Le 15 novembre. Il ne me reste qu'un peu moins de cinq mois à patienter. Une glace pour fêter ça ?

Elle semblait avoir retrouvé instantanément sa joie de vivre. Bondissant vers la cuisine, elle lâcha un « Oh, Indienne ! Tu es revenue ! » en voyant la bulldog descendre les escaliers. La petite chienne s'inquiéta de sa protégée tout en continuant d'ignorer superbement Neto. Décidément, ce ne serait pas Léona qui améliorerait leur relation...


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Neto eut un mal fou à détacher son regard de Léona pendant le repas. Ses yeux dévoraient la moindre expression de son visage, la plus petite variation dans ses yeux noirs, le plus infime plis de ses lèvres. Définitivement, il se passait quelque chose. Et ça ne lui plaisait qu'à moitié.

Lorsqu'Indienne eut le dos tourné, il se pencha vers elle.

-Il faudra que je te dise quelque chose, murmura-t-il en rivant son regard au sien. Passes dans ma chambre vers vingt-trois heures.

Léona hocha la tête et se leva pour aller chercher un dessert au moment où Indienne revenait. Visiblement, la petite chienne ne devait pas être au courant de cette confidence.

Elle n'était pas aveugle, ni stupide non plus. Elle avait immédiatement compris que ses deux acolytes ne s'entendaient pas, voir se haïssaient – la scène d'il y a quelques jours était on ne peut plus explicite là-dessus. Une question la taraudait nuits et jours : combien de temps tiendrait cet équilibre, avant qu'Indienne n'attaque de nouveau Neto, ou que Neto ne riposte ? Elle en tremblait d'avance. Mais inutile de penser au jour fatidique où elle devrait choisir son camp. Elle préférait songer au présent, à maintenir une paix relative entre la dragontounie et le mutard tant que...

Quelqu'un avait terminé tous les yaourts ! Alors là, la guerre était déclarée !

-Je veux bien être gentille cinq minutes, s'écria-t-elle en désignant tout à tour Neto et Indienne, furieuse, mais on ne touche pas à mes yaourts ! Qui est le ou la responsable ? Qu'iel se dénonce !

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant