Chapitre 15

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O bella ciao.

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Lord Ulsterson tint parole. Deux jours après l'arrivé fracassante de la lettre jaune, un énorme colis fut livré au nom de « Lady Deborah Ulsterson » – ce qui ne manqua de perturber le facteur. Il dévisagea Léona comme s'il la voyait pour la première fois avant de lui tendre le monstrueux paquet, bafouillant qu'il l'avait confondue avec la gamine habitant de l'autre côté de la rue. Léona se contenta de signer le reçu avec un sourire un peu froid. Devait-elle se réjouir que le maquillage la change à ce point, ou s'en désespérer ? Elle ne pouvait plus utiliser l'alibi de sa couleur « extravagante » de cheveux, redevenus châtain sombre comme par magie quelques temps plus tôt.

A l'intérieur, elle trouva une dizaine de robes de ville, quelques jupes droites descendant sous le genou, cinq ou six chemisiers, un bon nombre d'accessoires sobres et chaussures à talons, ainsi que trois tenues de soirées qui rejoignirent le minuscule dressing de Léona. La jeune fille se surprit à remarquer les différences entre ces « quelques vêtements », comme les présentaient dans sa lettre le Lord, et ses propres habits. D'un seul coup, les jeans achetés dans des grandes enseignes lui paraissaient étrangement pauvres, comparés aux tissus si doux de la moindre chemise. Sa pièce préférée ? Sans aucun doute cette robe rouge dont les franges valsaient autour d'elle comme des danseuses des années 20 au moindre mouvement. Et vu le regard éperdu que Neto lui lançait lorsqu'elle la portait, cette robe devait être du plus bel effet sur elle. Tout à fait « Debby Ulsterson ».

C'était justement cette robe qu'elle portait lorsqu'iels se rendirent à l'aéroport. La Sanseverina les avait informé·e·s dans sa lettre qu'un homme portant un pantalon vert les attendrait. Il ne fut pas difficile à retrouver dans l'aéroport encore calme : un seul homme comparait d'un air connaisseur les différents sandwiches proposés par la boulangerie. Lorsqu'iels parvinrent à sa hauteur, il les dévisagea sévèrement, bien droit dans sa veste de costume immaculée et son pantalon vert pomme.

-Alors ? Avez-vous retrouvé mon chat ?

Son ton acerbe fit grimacer Léona, mais elle se força à suivre la procédure.

-Ne vous méprenez pas, monsieur : nous venons pour le mariage.

-Oh ! Le mariage, c'est vrai !

Le visage du vieil homme s'éclaira instantanément, passant du vieux riche imbu de lui-même à un grand-père à l'ancienne mode.

-Si vous saviez à quel point Orion m'a parlé de vous, je suis si heureux de rencontrer sa fiancée ! Suivez-moi.

La « fiancée », son « charmant petit toutou » et le « témoin du marié » s'élancèrent derrière le vieil homme à travers l'aéroport, évitant les contrôles, traversant des zones interdites au public, empruntant des passages dérobés, pour finalement déboucher sur le tarmac. Il leur fit signe de s'installer dans une voiturette porte-bagages et démarra sur les chapeaux de roues, projetant presque Neto par-dessus bord à chaque virage.

Leur guide coupa brusquement les moteurs. Iels se tenaient face à un hangar béant, dont on distinguait vaguement l'intérieur.

-Voilà ! s'exclama joyeusement le vieil homme en se tournant vers la « fiancée ». Mon fils vous attend à l'intérieur, il est tellement heureux ! Je vous retrouverai au mariage. Bon voyage !

La mâchoire de Léona se décrocha : c'était un véritable jet privé qui somnolait dans le hangar, et pas un petit avion particulier comme elle s'y attendait ! Qui donc la Sanseverina s'attendait-elle à rencontrer ?

Le vieil homme les salua de la main alors qu'iels montaient à bord, avant de remonter dans sa voiturette pour filer vers l'aéroport. Mais alors que l'avion se préparait à décoller, Léona se tourna vers Indienne, les yeux agrandis par l'horreur.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant