Chapitre 23

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Un chapitre beaucoup trop intense - attention les yeux, vous n'êtes clairement pas prêt.e.s


Léona s'arrêta, un peu essoufflée de son ascension, et consulta la carte qu'elle avait téléchargée sur son portable. Normalement, elle devait se trouver à proximité de l'ancienne propriété de la Sanseverina. D'immenses sapins lui barraient la vue telle une marée verte où un seul sentier serpentait. Les rangées d'arbres semblaient former un mur uniforme à ses côtés. Voilà qui commençait bien. Cela dit, elle restait dans le ton de sa matinée.

Lorsqu'elle était revenue de sa séance de cinéma, ni Malrenarde ni son amant n'étaient plus dans la chambre, et les deux autres lits étaient vides. Idem à son réveil à huit heures. Elle avait déjeuné seule dans la salle commune, et sans café – la technicienne l'avait presque insultée lorsqu'elle lui signala la panne de machine. Et pour ne rien arranger, la sensation qui s'était formée dans sa poitrine prenait à présent toute la place, comprimant tous ses organes. Mal du pays. Angoisse. Elle n'en savait rien, mais ça ne lui ressemblait pas.

Elle consulta une fois de plus sa carte et reprit son ascension avec espoir. Peut-être que le chemin était plus loin, ou qu'il y avait un autre accès à la propriété... Elle cherchait à quoi se rattacher. Il y avait forcément quelque chose dans le coin !

Perdue dans ses pensées, elle serait passée à côté si un lapin ne s'était pas enfui juste devant ses pieds, la faisant trébucher. Son menton heurta les graviers, elle entendit avec horreur ses dents s'entrechoquer. Au loin, un petit rire aigu se fit entendre. Léona se releva en grommelant contre les pixies farceuses et son manque de vigilance. Du sang coulait de son menton, sa main gauche était écorchée. Merveilleux. Il ne lui restait plus qu'à rentrer à l'auberge de jeunesse pour désinfecter tout...

Son souffle se coupa. Face à elle, un chemin à moitié dissimulé par les herbes folles s'enfonçait entre les sapins. Une boîte aux lettres noire se détachait dans la pénombre. L'inscription qui l'ornait proclamait en lettres dorées « Little Town ». Un sourire étira ses lèvres.

Elle l'avait trouvée.

Essuyant le sang sur ses mains et son menton, elle sauta sur ses pieds et s'enfonça dans l'obscurité des sapins. Le chemin suivait une pente douce, la végétation étouffait tous les sons, ses pas, sa respiration, les cris des oiseaux, les petits rires incessants qui la suivaient. Elle remarqua à peine que la température diminuait, lui donnant la chair de poule. Tout ce qui comptait à ce moment-là était ce qu'elle trouverait au bout du chemin. Elle ne fut qu'à peine déçue.

Le chalet trônait au centre d'une petite clairière. Un chalet ? Plutôt une cabane de bucheron perdue au milieu de la nature. Un reste de potager dévoré par les herbes hautes inspirait la mélancolie. Tout ce désastre ne lui évoquait qu'un rêve brisé, celui de vivre heureux loin de l'oppressante popularité, des obligations, des codes, des barrières, un rêve de liberté détruit par la marche implacable de ce monde de faux semblants... Lorsqu'elle abaissa la poignée, elle ne se sentait plus triste, mais animée d'une détermination nouvelle.

L'intérieur avait été vidé au départ de ses occupant·e·s. Seule la poussière en suspension emprisonnant les rayons du soleil, l'antique gazinière et un vieux buffet en sapin habillaient la pièce. Une porte dans le fond dissimulait une chambre – vide elle aussi – et à sa droite, une petite salle de bain. Il devait y avoir un puit dehors. Revenant dans sa salle principale, Léona tourna sur elle-même dans l'espoir qu'un détail lui saute aux yeux. Mais rien dans ces murs nus ou ce parquet tâché ne l'inspirait. Par acquis de conscience, elle sonda les murs, le sol et même le plafond, mais tout sonnait comme du bois massif, solidement isolé, capable de résister encore quelques dizaines d'années.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant