Chapitre 4

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Ah, ça ! C'est la porte ouverte à toutes les sorties !

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Il n'arrivait pas à croire qu'il était revenu au manoir de lui-même.

Une fois toutes ses affaires en cours confiées à Baby V., son associée, il se surprit à envoyer un bref message à sa supérieure et à remonter en voiture, avalant des kilomètres jusqu'à ce maudit manoir O'Connor. Oh, ce n'étaient pas tant les serments arrachés par Indienne McTuffy qui le poussaient à revenir – il aurait très bien pu rester à Genève, les ignorer et dormir la conscience tranquille. Plutôt autre chose, bien qu'il n'arrive pas à mettre le doigt dessus.

Lorsqu'il remit les pieds au manoir après quatre jours d'absence, la propriétaire l'accueillit comme s'iels étaient deux ami·e·s de longue date – un sourire, un « salut ! » enjoué, un petit rire. Rien de suspect. Il lorgna sur la table du salon : une quantité incroyable de livres et de notes s'y étalaient de partout, s'entassaient comme des tours de garde, se mélangeaient aux surligneurs et aux crayons...

-Oh, ça ? lança Léona en suivant son regard. C'est juste ce qui trainait lors de mon petit-déjeuner... Le reste est dans le bureau à côté de ma chambre. J'ai essayé de me renseigner un maximum sur les travaux de O'Connor et sur le monde dans lequel nous vivons. Un café ?

-Sans façons.

-Moi, si. Et je passe devant le tribunal la semaine prochaine pour finaliser la procédure d'émancipation. Et le mercredi suivant, on rencontrera Lord Ulsterson. Tu es convié, puisque tu es lié à la quête par la promesse que tu as faite à Indienne.

-Où est-elle, d'ailleurs ? s'étonna-t-il, cherchant le bulldog sable du regard.

Il ne cherchait pas sa compagnie, loin de là, mais il lui semblait inhabituel qu'elle ne surveille pas l'héritière. La dragontounie lui collait aux baskets avec plus d'assiduité qu'une chaperonne à l'époque victorienne. Léona haussa les épaules.

-Je ne sais pas. Elle m'a dit ce matin qu'elle devait voir du monde et qu'elle ne rentrerait que ce soir.

La jeune fille avala une grande gorgée de café qui lui brula la gorge. Depuis quelques jours, sa consommation d'espressos, cappuccinos et autres dérivés suivait une courbe exponentielle. Si ses parents la voyaient, iels l'enverraient sans aucun remord en centre de désintoxication. Mais au point où elle en était, la menace que représentait ses géniteur·rice·s étaient la dernière de ses préoccupations. Elle ne voulait plus avoir peur d'elle·ux depuis qu'iels avaient tenté de la tuer. Le café était la seule chose qui empêchait ses mains de trembler.

A l'hôpital, elle avait subi plus de deux heures d'interrogatoire avec l'inspecteur Sigrid et son avocate pour tenter de comprendre comment tout avait dégénéré. Pour sa mère, le doute n'était plus permis : le jury l'enfermerait sûrement en prison ou en hôpital psychiatrique. Quant à son père... impossible de dire s'il était impliqué ou non, mais Maître Faun comptait bien obtenir une interdiction de visite.

Bien sûr, Neto l'ignorait.

-Tu te fous de moi ?

Léona redressa vivement la tête. Neto considérait d'un air moqueur l'enceinte portable posée sur la table.

-Je n'y crois pas, tu écoutes réellement du Black Botanique ?

-C'est L. A. Roosevelt, nuance, rétorqua-t-elle alors que son rythme cardiaque redescendait. « Ok, we're dead » pour être précise. Et oui, j'écoute ça.

Elle bondit de sa chaine comme un diable à ressort.

-Qu'est-ce que tu peux me dire sur la clé ?

Neto parut pris de court. Ses yeux voletèrent dans la pièce comme pour trouver une réponse à cette question. Fouillant sa mémoire, il essaya de rassembler les bons mots sous le regard impatient de Léona. Ce n'était pas comme si, quelques jours plus tôt, il avait tenté de la lui dérober ! Alors qu'il n'essaye pas de lui faire croire qu'il n'était qu'un intermédiaire ignorant ! Il avait bien travaillé pour O'Connor, pas vrai ?

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant