Chapitre 32

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La menthe poivrée, c'est comme la différence : ça se cultive.


Depuis la rentrée de l'université début septembre, Teagan Debby Muller n'avait pas eu une seconde à elle. Elle cumulait ses études d'avocate en présentiel à la Peter A. Allard School of Law, et une licence d'information par internet en partenariat avec la School of Library, Archival and Information Studies (que nous abrègerons en SLAIS pour des raisons évidentes). Qui plus est, elle ne passait pas inaperçue avec ses cheveux verts Satealler, sa bonne humeur communicative et son grand sens de l'entraide. Alors entre ses deux cursus, le jogging quotidien qu'elle s'imposait et la vie sociale qu'elle essayait de conserver, elle n'avait que très peu de temps libre.

Aujourd'hui était l'une des rares exceptions. Personne ne l'attendait pour une sortie quelconque, tous ses rendus avaient été envoyés en temps et en heure et ses fiches prêtes pour d'éventuels contrôles. Aussi, elle s'était accordée ce samedi 11 novembre.

Sa journée débuta par une grasse matinée bien méritée suivie d'un brunch au son d'un vinyle des 1975. Elle fit ensuite le ménage de fond en comble dans son appartement, allant même jusqu'à nettoyer la grande verrière inclinée de son salon. Après une petite douche rapide et un saut par la case maquillage, elle sortit à treize heures faire quelques courses puis sauta dans un bus pour le centre-ville avec la ferme intention de faire un peu de lèche-vitrines pour se remettre à jour sur les tendances de la saison.

Vers dix-sept heures, Debby décida enfin de s'arrêter dans un coffee shop. Elle avait été plus que raisonnable dans ses dépenses – un béret noir trouvé dans une friperie sur Grandville Street et quelques mètres de tissus. Depuis que l'adorable Ely Rashawn, futur avocat comme elle, lui avait appris à se servir d'une machine à coudre, elle avait pris l'habitude de faire elle-même ses vêtements, un procédé qui se révélait nettement moins coûteux et beaucoup plus satisfaisant que de les acheter dans le commerce. En plus, Ely en profitait souvent pour l'inviter à des après-midi thé et couture... et plus si affinité.

Elle poussa la porte de l'un des coffee shops de Grandville Street et commanda un bagel, une part de cheesecake banane-caramel et un grand capuccino. Sidney – la jeune femme derrière le comptoir – lui proposa de s'asseoir et qu'un de ses collègues lui apporterait son café puisque la boutique était quasi déserte. Debby approuva joyeusement et s'installa à l'angle de la devanture et du mur végétal.

Elle avait toujours aimé épier les gens dans la rue, s'imaginer où iels pouvaient bien aller, leur inventer des vies. Là, une petite fille aux cheveux crépus riait aux éclats au point que l'homme aux cheveux gris qui l'accompagnait – son grand-père ? – devait la retenir par la main pour qu'elle ne se laisse pas tomber au sol. Ici, un adolescent emmitouflé s'essuyait rageusement le visage, à cause d'une peine de cœur ou d'un drame familial ? A moins que ce ne soit une mauvaise note qui venait de tomber. Un peu plus loin, traversant la rue, deux jeunes garçons se tenaient la main et échangeaient de grands sourires. Ils semblaient très proches, peut-être une histoire d'amour...

Un vacarme s'éleva à sa droite suivi d'un juron et d'un nom – le sien.

-Debby ?

Elle se retourna vivement. Quelques mètres plus loin, un désordre de plateaux et de café renversé inondait le sol. Et à l'origine de ce bazar...

Teagan Muller.

Il la fixait de ses yeux bleu océan dilatés, la bouche entrouverte, muet de surprise. Non, pas de surprise... un autre sentiment que Debby ne parvenait pas à comprendre. Sidney cria son nom, produisant chez le jeune homme un électrochoc qui le tira de sa trance. Il fixa le désastre d'un regard vide, puis Debby toujours immobile.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant