Chapitre 16

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Je suis revenue de l'enfer, bande d'enc...

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Elle s'était demandé toute sa vie ce qu'elle ressentirait après une morsure d'Indienne, hésitant entre la belle endormie revenant à elle avec grâce ou l'aventurière jetlaguée mais prête à reprendre sa mission – une fois de plus, la réalité la décevait. Cela n'avait rien d'agréable, comme si sa bouche était remplie de sable et sa vessie prête à exploser. Et d'où venait ce mal de crâne infernal ?

-Debby !

Plissant les yeux, la jeune fille essaya de distinguer clairement Neto, mais il bougeait trop vite pour elle. En tous cas, elle devinait au son de sa voix qu'il était soulagé.

-Tu m'as fait tellement peur ! Indienne t'a mordue et tu as été inconsciente pendant presque vingt-huit heures ! Comment te sens-tu ?

-Il faut que j'aille aux toilettes.

Elle ignora sa voix pâteuse et essaya de se lever sous le regard médusé de Neto. Quoi, c'était tout ? Elle ne le remerciait pas de s'être occupé d'elle pendant son inconscience ? De l'avoir défendue contre Indienne ? D'être un héros pour elle ? Non, elle ne se limitait qu'à des choses purement matérielles – le fait d'être encore en vie.

Dépité, il se laissa tomber sur son lit alors qu'elle s'affairait dans la salle de bain. Ce fut à peine s'il marmonna quelque chose lorsqu'elle lui demanda où était Indienne. Ce brusque changement d'humeur ne sembla pas affecter la jeune fille. Tant bien que mal, elle termina de se préparer et retourna dans la chambre.

-Neto, tu ne m'as pas répondu : où est Indienne ?

Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Neto bondit sur ses pieds.

-Non mais putain, Debby ! A quoi tu joues ? Elle vient presque de te tuer ! Elle t'a mordu ! Et qu'est-ce que tu fais ? Tu veux absolument la revoir ? Tu ne te rends pas compte qu'elle est dangereuse ?

-Autant que toi, répondit Debby d'une voix étranglée. Vous êtes aussi jaloux et jalouse l'une que l'autre.

Sa colère retomba comme un soufflé percé. Mal à l'aise, Neto recula de son côté de la chambre d'hôtel, essayant de se composer une attitude. Il soupira :

-On a rendez-vous à dix-huit heures chez la Sanseverina. Elle a envoyé un courrier durant ton sommeil.

La jeune fille regarda l'immense horloge de chêne noir trônant dans un coin de la pièce. Il lui restait moins de six heures pour redevenir Debby, trouver un moyen de camoufler son bras blessé – toujours douloureux et partiellement inutilisable – et retrouver Indienne. Car l'héritière avait besoin de l'expertise du dragontouni pour démêler le vrai du faux dans ce nid de vipères.


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-Il y a intérêt à ce que Julien Sorel meurt, lâcha mollement Léona. Sinon je serais grave déçue.

Deux semaines plus tôt, bien avant son départ précipité pour l'Angleterre puis l'Italie, la jeune héritière était affalée sur un transat bordant la piscine, un exemplaire du Rouge et le Noir posé sur les genoux. Neto était encore en vadrouille. Elle entendait vaguement Indienne maugréer contre « cette technologie du démon » qu'on appelait plus communément une télévision. Son enceinte diffusait doucement « The Ghost of Manhattan » des Black Botanique, une chanson de leur précédent album – à l'époque où ils s'appelaient encore Knee Socks.

Lassée de se battre avec la télécommande, Indienne quitta la fraicheur de la maison pour rejoindre Léona et l'ombre protectrice du grand chêne. Elle s'allongea sans rien dire, tirant la langue face à la chaleur écrasante de ce mois de juillet.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant