Chapitre 10

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De la poussière de fée.

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Levant anxieusement les yeux sur la façade du manoir, Léona essaya de faire taire le pressentiment dévorant qui grondait dans ses entrailles. Malheureusement, le regard noir de Neto posé sur ses épaules ne l'aidait pas particulièrement. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis qu'il était revenu dans leur chambre d'hôtel, et Indienne faisait tout son possible pour faire culpabiliser Léona. Comprenez : être détestable et la rembarrer à chaque fois qu'elle ouvrait la bouche. Heureusement, Deymee lui avait souhaité un bon retour par message, éclairant un peu sa journée.

La clé tourna lentement dans la serrure alors que la jeune fille continuait de se raisonner. La voiture de son père n'était plus dans les alentours, elle avait verrouillé tous les accès avant de partir lundi midi et le manoir était entièrement piégé. Aucun risque que son père ne l'attende à l'intérieur, tapi dans l'ombre pour la tuer. Elle frissonna à cette perspective mais poussa tout de même la porte.

-J'ai la recette de tourte aux rognons de Mémée Fernande !

Un discret « bip ! » suivit son injonction. Les pièges avaient été désactivés.

Le cœur déjà plus léger, Léona poussa sa valise à l'intérieur et ouvrit tous les volets.

-Et voilà ! Personne ne nous attendait !

-Ne parle pas trop vite, l'interrompit Indienne avec pessimisme.

La petite chienne disparut dans le jardin, laissant aux deux jeunes gens le soin de ranger leurs affaires. Léona se tourna vers Neto, prête à dire quelque chose, mais celui-ci la coupa d'un geste de la main.

-Je vais m'absenter pour une semaine environ. Je reviendrais mercredi. On parlera à ce moment-là.

Il disparut dans les escaliers avec les valises. Dépitée, elle resta dans le salon, désœuvrée et déboussolée, jusqu'à ce qu'il ne redescende avec un sac sur le dos ; mais ce fut à peine s'il lui adressa un regard chargé de colère avant de passer la porte.

Ne pouvant plus se retenir, elle se laissa tomber sur le canapé. Des larmes de frustration se mirent à couler sans qu'elle ne puisse s'en empêcher, vidant les derniers grammes de son énergie. Elle les essuya rageusement. Tout se passait si bien jusqu'à cette soirée ! S'il avait joué franc-jeu avec elle dès le départ, peut-être que... Mais en même temps, avait-elle réellement le droit de l'abandonner aussi traitreusement qu'elle l'avait fait ? Tout se bousculait dans sa tête.

Malgré tout, elle se força à monter dans sa chambre et à ranger ses bagages pour ne pas donner raison à Indienne.

A présent qu'elle était seule dans l'immense manoir, silencieux au possible, toutes ses angoisses refaisaient surface. Son père était-il encore dans les parages ? Voulait-il s'expliquer ou avait-il tout simplement peur de sa réaction ? Bon sang, elle allait devenir folle si elle restait là sans rien faire !


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Les jours suivant s'écoulèrent étrangement. Par moment, Léona se montrait pétillante comme à son habitude, parfois trop enjouée même ; à d'autres, l'angoisse la submergeait et elle sombrait dans une profonde mélancolie dont rien ne pouvait la faire sortir jusqu'à sa prochaine saute d'humeur.

Au cours de sa semaine, elle avait repeint et réaménagé sa chambre, réorganisé la cuisine et nettoyé de fond en comble le manoir. Elle avait même envisagé d'aller habiter à Inspiration, la petite maison au fond du terrain, mais l'idée d'abandonner le manoir la révoltait.

Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant