Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)

Chapitre 40

Oui, c'est bientôt la fin de ce volume, mais ne commettez pas de folie s'il vous plait

Le regard horrifié de Léona passa de Lord Ulsterson à Pernelle Drainier puis au pauvre Ely Rashawn. Ce dernier avait l'air d'un enfant tombé au milieu d'une fusillade. Si elle avait pu réfléchir à cet instant, elle aurait eu un peu de compassion pour lui – mais son mode « survie » venait de s'activer une fois de plus. Il n'y avait plus de place pour l'hésitation ou les sentiments, juste pour l'auto-préservation. Ça risquait de ne pas être suffisant.

Ulsterson rompit en premier le charme en hurlant :

-Vous ! Ne vous approchez pas de ma fille !

Pernelle éclata de rire. Un rire doux, étouffé, presque chaleureux. Presque.

-Votre fille ? Elle n'est pas à vous, et vous n'avez jamais cherché à la retrouver. Pas même après la mort de votre épouse et Debby !

Le coup partit, projetant Pernelle au sol. Léona poussa un hurlement. Ulsterson se massa la main et accorda un regard d'excuse à Léona.

-Je... je suis désolé pour lui. Millie, cet homme est dangereux. C'est...

-Je sais qui elle est, gronda Léona. C'est la fille de la Sanseverina. Je sais qu'elle a travaillé avec O'Connor sur la fin de sa vie. Je sais que sa mère lui faisait confiance lorsqu'elle l'a contactée. Je sais aussi que Lady Louise lui faisait confiance.

A l'évocation de sa femme, les traits d'Ulsterson s'assombrirent. Il la scruta du regard pendant de longues secondes, plus démon que Lord anglais de bonne famille. Au moment où il ouvrit la bouche, une détonation suivie de hurlements de terreur remplirent le couloir.

-Il y a un tireur dans l'école ! glapit Ely.

-Il m'a retrouvé ! Millie, suivez-moi !

-Qui ?

Ulsterson se tourna brusquement vers elle, lâchant son bras. A côté de l'estrade, Pernelle se relevait, toujours sonnée mais consciente du danger. Le Lord planta ses yeux bleus dans ceux de la jeune fille. Il n'y avait plus rien que de la peur et de la folie.

-L'homme qui a tué Prima et William.

Une balle le frôla avant qu'il ne puisse finir sa phrase. Léona se jeta au sol, mais Ely n'eut pas cette chance. Son corps s'effondra comme un pantin désarticulé. Impuissante, Léona se recroquevilla contre l'un des sièges de l'amphithéâtre, se retenant de hurler. Les larmes lui brouillaient la vision. La rangée de sièges l'abritait temporairement mais le tueur continuait de tirer sans discontinuer. Il bloquait l'issue principale, et pour rejoindre l'issue de secours elle devait traverser l'estrade et s'avancer à découvert. Trop long. Trop risqué.

Ulsterson venait de lui servir les trois dernier·ère·s membres du clan sur un plateau d'argent.

-Millie !

Léona dégagea légèrement son visage de ses genoux. Pernelle se trainait à côté d'elle, le visage rougit. La professeure se rapprocha encore, élevant la voix pour couvrir le bruit de la fusillade.

-La police devrait arriver d'un instant à l'autre ! Il faut tenir bon !

-Comment ? S'il bouge, nous sommes mortes !

Un nouveau cri traversa la salle, rauque comme celui d'un bête qu'on abat. Ulsterson ! Horrifiée, Léona chercha Pernelle du regard mais elle avait déjà disparu.

Son œil capta un mouvement à l'extrémité de la rangée où elle se tapissait. Il la visait.

Lui.

L'homme qui avait déjà tué son oncle et sa compagne.

Elle leva un bras en vaine protection alors qu'il faisait feu. Un hurlement dément lui échappa alors que le projectile transperçait son bras, l'aveuglant de son propre sang. Un autre hurlement avant qu'elle ne perde conscience. Différent des autres. Un cri de surprise.

-Madame ? Madame vous m'entendez ?

La lumière lui vrilla les yeux, brouillés par les larmes qui coulaient sans s'arrêter. Deux personnes étaient penchées sur elle, l'une jouant avec son stylet lumineux, l'autre lui enserrant le bras.

-Si vous m'entendez, clignez des yeux deux fois. Vous m'entendez ?

Elle cligna lentement des yeux. Elle ne savait plus où elle était, ni ce qui s'était passé. Elle allait finir à l'hôpital. Ulsterson ? Pernelle ? Ely...

-Ely...

Elle sanglota de plus belle, beaucoup trop choquée pour reprendre pied.

-Tout va bien, vous êtes en sécurité. Personne ne vous fera de mal. Savez-vous quel jour nous sommes ?

-Le neuf...

-Comment vous appelez-vous ?

Elle fixa l'ambulancière. Elle avait l'impression d'asphyxier, comme un poisson abandonné à l'air libre. Comment s'appelait-elle ? Comment s'appelait-elle vraiment ?

Un cri traversa la salle mais il lui fallut voir son visage pour comprendre.

-Oh Debby ! Debby, que s'est-il passé ?

-Monsieur, reculez !

Teagan. Son cher Teagan. Il était là. Elle tendit son bras valide – ou tout du moins en eut-elle l'impression – et il attrapa sa main. Il pleurait.

-Teagan Deborah Muller, coassa-t-elle.

-Savez-vous ce qu'il s'est passé ?

Elle secoua la tête. Elle allait être conduite à l'hôpital. On vérifierait qu'elle allait bien. Puis elle rentrerait à la maison.

Plus tard, on lui expliquerait que Pernelle avait bondit sur le tueur pour le maîtriser juste au moment où la police arrivait. L'homme armé, inconnu de leurs fichiers et sans empreinte digitale visible, n'avait pas survécu. Ely Rashawn non plus.

Ulsterson fut le plus grièvement touché. Trois balles l'avaient transpercées, dont deux dans la poitrine. C'était un miracle s'il survivait. Quatre autres étudiant·e·s avaient été touchés avant que le tueur ne pénètre dans l'amphithéâtre, et deux autres étaient déjà décédé·e·s.

Son regard croisa celui de Pernelle, assise plus loin. Un sacré hématome lui mangeait tout le côté gauche de la mâchoire. Ulsterson n'y était pas allé de main morte. On lui avait donné de la glace, mais elle ne semblait pas autrement blessée. Elle hocha la tête.

Durant tout le trajet, Teagan ne lâcha pas sa main.

Elle s'en remettrait.

Indienne allait hurler en apprenant ce qu'il s'était passé...