Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)

Chapitre 25

Attaquons l'exercice, pour défaire, les Huns !

Il fallut presque trois jours à Léona pour surmonter son fabuleux décalage horaire et recommencer à réfléchir correctement. Trois jours pendant lesquels son sommeil fut peuplé de cauchemars d'un réalisme bluffant. Ils auraient donné quelque chose de grandiose sur grand écran. Mais pas dans sa tête. Pas quand ils s'harmonisaient avec sa vie pour produire une oppressante symphonie. Durant ces trois jours, Indienne monta la garde devant sa porte, déboulant dans la chambre à chaque fois qu'elle se réveillait en sursaut.

Léona lui raconta absolument tout ce qu'il s'était passé durant son séjour – mise à part sa relation avec Teagan – mais Indienne s'avoua impuissante. Elle ne savait même pas que la Sanseverina et O'Connor s'étaient marié·e·s en secret, et elle jura ne jamais avoir entendu le nom de Morrigan, ni même savoir si elle était véritablement née ou décédée. C'était une possibilité que la bulldog avait soulevé : et si la mort de Morrigan n'était qu'une supercherie destinée à protéger la véritable héritière ?

Les archives ne mentionnaient nulle part de Morrigan, ni d'enfant de Mme Bravia ou de M. O'Connor, que ce soit à Queen Charlotte, Prince Rupert ou dans les villes alentours. Tout ce que Léona savait, c'était qu'elle était née dans la maison sur le Mont Hays, soit entre 1988 et 1991, soit entre 1998 et 2001. Rien de plus. Elle était bien avancée, avec les deux parents décédé·e·s ! Un sacré drame familial, presque digne d'un roman d'Agatha Christie. Il ne manquait plus qu'une intrépide jeune femme, mi-humaine mi-chanterène à la voix envoutante, ne débarque en lui ordonnant de lui rendre ce qui lui était dû.

La belle affaire.

Et comme si cette situation n'était déjà pas assez inconfortable, le Lord Ulsterson ne répondait pas à ses courriers, ni concernant la commissaire-priseuse Enkhtaivan, ni au sujet de sa rentrée à l'UBC prévue dans moins de trois semaines, et encore moins au sujet d'une certaine Morrigan. Léona n'avait donc aucune idée si elle devait retourner faire sa rentrée à Vancouver et continuer ses recherches depuis là-bas, ou si elle devait envoyer un courrier d'excuses à l'administration expliquant qu'elle ne rejoindrait physiquement l'école que plus tard et suivrait ses cours à distance.

Et Neto qui ne devait revenir que dans deux semaines !

Ce flot de pensées bouillonnait dans le cerveau de Léona alors qu'elle préparait pensivement son petit-déjeuner. Elle venait d'effectuer une soixantaine de longueurs de piscine et – pour ne pas changer – son estomac criait famine. Une journée chargée l'attendait, et il était hors de question qu'elle ait le ventre vide.

Depuis son retour au manoir, elle essayait de trouver la motivation d'étudier le contenu de la valise de O'Connor, mais le courage lui manquait. Une angoisse sourde naissait dans sa poitrine à chaque fois qu'elle pensait à cette relique d'outre-tombe. Oui, elle avait peur... elle avait peur de... peur de découvrir que...

Peur de découvrir qu'elle était Morrigan. Peur de découvrir qu'elle était Morrigan O'Connor Bravia, que sa vie n'avait été qu'un tissu de mensonge depuis le premier jour, que O'Connor s'était débarrassé de la véritable Léona Cherchebruit à la naissance et l'avait remplacée par sa propre fille afin de garder un œil sur elle tout en la protégeant des menaces associées à son nom de famille.

Voilà, elle avait enfin réussi à le formuler.

-Pourquoi tu fais cette tête ?

Léona rejeta sa crinière brune en arrière – la coloration Vert Satealler n'avait duré que deux semaines, moins que la Dacheviolette. Ses joues étaient écarlates, comme si elle avait été prise en flagrant délit. Indienne la fixait de ses petits yeux noirs moqueurs depuis le salon.