Indienne McTuffy (La Trilogie - Tome 1)

Chapitre 13

Morpheus (wow, enfin un titre de chapitre à peu près court et presque normal !)

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Ernesto fixa sans le voir le couteau qu'il tenait, détaillant machinalement les tomates en dés. Ses paupières menaçaient de se fermer toutes seules s'il n'y prêtait pas attention, ses cernes violacés lui dévoraient les joues. Plus que jamais, il regrettait d'avoir quitté la Géorgie.

Ignorant ses membres tremblant de fatigue, il fit glisser les tomates dans la marmite où bouillonnait joyeusement un chili con carne. Depuis la dernière visite de Debby et Ulsterson en novembre, O'Connor l'avait chargé de tout un tas de missions en plus de son travail au manoir et de ses études. Avec le temps, ces « petites courses » étaient devenues de moins en moins légales, passant de la simple reconnaissance de lieux aux vols.

Et il était doué, avec ça ! Son don de mutard empêchait quiconque de le reconnaître et de l'identifier, et les années à se faire discret pour éviter les punitions lui avaient rendu le pas et le toucher léger.

Mais il était à bout, mentalement et physiquement. La dernière « petite course » en date l'avait secoué au plus profond de lui-même. Depuis, impossible de trouver le sommeil, comme pour le punir d'avoir franchi une ligne rouge. A chaque instant, il revoyait le regard horrifié du collectionneur au moment où il avait compris que son kidnappeur ne le laisserait pas regagner sa vie normale. Il entendait encore ses hurlements étouffés par son bâillon alors qu'il verrouillait la porte de la cave...

Ordres de O'Connor.

Tout ça pour un antique manuscrit originel.

Le sifflotement du maître des lieux le précéda alors qu'il s'engouffrait dans la salle principale. Contrairement à son apprenti, il rayonnait, jetant des regards satisfaits autour de lui.

-Tu as mauvaise mine, mon pauvre. Change-moi tout ça rapidement.

Un battement de cil. En somme, pas grand-chose ne changea dans le visage d'Ernesto. Moins de cernes par ici, un creux comblé par-là, une ridule lissée... mais ce fut suffisant. Il était redevenu un peu trop parfait... un peu moins humain en somme.

O'Connor parut satisfait, se désintéressant du garçon pour considérer la marmite.

-Tiens donc, un chili ! Il y a un évènement spécial aujourd'hui ?

Ernesto ravala ses états d'âmes sans répondre. On était le 2 février. Le jour de son anniversaire. Il avait quinze ans aujourd'hui. Mais ça, O'Connor n'en faisait pas grand cas, se contentant de siffloter à travers la cuisine.

La seule chose qui, à cet instant, permettait au jeune homme de tenir, c'était la promesse de O'Connor. La promesse d'être son héritier.

Oh ! Ce n'était pas pour détrôner Debby et la surpasser, non ! Bien au contraire, il voulait vraiment que Debby soit l'héritière, elle avait fait tellement de sacrifices depuis son plus jeune âge. Non, ce qu'il voulait, c'était qu'elle se débarrasse de l'ordure qui lui servait d'oncle et de mentor.

Il l'avait mise au courant des manigances de son oncle dès qu'il lui avait évoqué la possibilité de changer d'héritier, et elle lui avait conseillé de voir où cela le menait. A chaque nouvelle information, il la lui transmettait par la BALI.

D'ici peu, elle aurait la capacité de faire tomber O'Connor.

Il s'efforça de ne pas penser à toute cette histoire, savourant le silence seulement égayé par les glouglous joyeux de la marmite.

-J'aurais besoin que tu me fasses une petite course ce soir, lâcha soudain O'Connor.

S'il espérait voir du désespoir chez son apprenti, O'Connor en eut pour ses frais. Ernesto ne leva même pas les yeux de son chili, se contentant d'attendre la suite des instructions.