Kara.
Il est revenu trois fois, j’ai mangé trois fois. 48,5 jours à présent, normalement. Les fois où il est venu, nous n'avons pas parlé. Il a ouvert la porte, posé le plateau, il m'a regardé mais pas moi. Il est parti.
Mon pire ennemi est la pensée. Je commence à réellement disjoncter. J’ai l’impression de voir des gens dans la même pièce que moi. Je parle seule aussi. Je suis consciente que je deviens folle mais que faire, je n’y peux rien. Mes rêves sont de moins en moins nombreux. Ils laissent place à des cauchemars. Être enfermé pendant plusieurs semaines et ne pas pouvoir sortir est mortel pour l’homme. J’ai des chances de mourir, ici. Je me fais des idées, je ne vais pas mourir.
- Je vais mourir.
Les filles continuent de partir vivantes et de revenir à moitié morte, dans ce couloir. Je ne regarde plus par peur de l’autre pervers. Je revois encore son sourire dans ma tête.
Alors je ne vois pas mais j’entends. Les cris des filles ou le bruit sourdent de leur corps qui tombe sur le sol dur. À chaque fois, la lumière du couloir s’allume pour signaler leur arrivée et s’éteint quand ils sont partis. Je n’aimerais tellement pas être à leur place.
Je ne sais pas pourquoi elles sont là mais elle ne mérite aucunement ça. Le stress qu’elles doivent avoir quand elles prient pour que ce ne soit pas elle qui sera choisie pour souffrir. J’ai repensé à cette fille. Elle avait l’air tellement gentille et blessée, très, même trop blessée.
La lumière du couloir s’allume une nouvelle fois. Je mets mes mains sur chacune de mes oreilles comme à chaque fois. Et j’attends. Je ferme les yeux pour penser à autre chose. Un souvenir ou un avenir. J’en ai déjà créé tellement que je ne sais plus quoi inventer. Les souvenirs sont de plus en plus lointains et mon avenir est de moins en moins incertain. Je ne sais pas combien de temps cela va durer cette fois.
Je me suis imaginé tant de fois rentrer chez moi pour écrire dans mon journal. J'aime bien écrire dedans, comme ça, je n'oublie rien, je me souviens de tout. Je veux écrire ce dont je pense depuis que je suis ici. Quand je sors, c'est la première chose que je fais.
Une main se pose sur mon avant-bras ce qui me fait sursauter et lâcher un cri.
- NON ! Pas moi.
La peur prend possession de mon corps. Je suis tellement faible que je ne pourrais pas me débattre et je ne veux pas me laisser faire. Deux mains se posent de chaque côté de mon visage.
- Calme-toi, gattina mia.
Je reconnais cette voix. C’est lui. À l’aide de ses deux pouces, il essuie mes larmes dont je ne m'étais pas rendu compte qu’elles avaient coulé.
- Tout va bien, c'est moi.
- J’ai eu tellement peur. Dis-je d’une voix faible.
- Je suis désolé. Je ne voulais pas.
Il me regarde. Je ne le voie pas nettement mais je le sais. Sa voix est tellement rassurante.
Il me prend par-dessous les aisselles pour me lever. Je ne sais pas pour qu'il me lève mais je l’aide.
Nous passons la porte. Heureusement qu'il me soutient car mes jambes ne pourraient pas le faire d’elle-même. Nous marchons dans ce couloir qui me paraît long cette fois. Je ne regarde pas les filles à travers la porte parce que je n’ai pas la force de le faire et aussi parce qu’il me tient.
Nous arrivons enfin de cette porte. Il passe son pouce sur le boîtier et la porte se déverrouille.
Le patron est assis derrière son bureau en train d’écrire. Il s’arrête et lève la tête dès qu’il nous voit. Je m’assois ou plutôt l’homme m’aide à m'asseoir sur le fauteuil en face de son patron.
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Mensonge
RomanceIl m'était impensable que rentrer chez moi à pied allait changer ma vie et la bouleverser. Entre mensonge et révélation, la vie de Kara va prendre un tournant des plus désastreux. Sa vie n'est que mensonge, elle ne dépendra que de ses choix et ses...