Bloody Girl

6. Menace [T2]

ILONA

Mes nuits sont courtes ces derniers temps. J'ai du mal à m'endormir et en plus de ça, depuis le retour de l'équipe prodige, tout le monde fait la fête en pleine nuit dans la rue. Leur musique celtique tourne dans ma tête comme un cauchemar éveillé et je prie pour que l'euphorie se calme enfin.

Ce matin, en me réveillant, j'ai un mauvais pressentiment que j'ignore, le mettant sur le dos de la fatigue. Il est neuf heures, je prends mon service dans une heure et cette simple idée me donne envie de pleurer. C'est la première fois que ma patronne me donne une matinée et je la savoure en ouvrant les volets pour faire entrer le jour. D'habitude, il fait encore nuit quand je me lève. Depuis que son fils est rentré, elle laisse couler et je suis plus tranquille. Cependant, je le supporte la majorité du temps. Il traîne avec ses potes au bar d'en face jusqu'à ce qu'ils aient faim et qu'ils débarquent pour manger, s'installant sur les tabourets du comptoir pile devant moi pour me faire la conversation. J'essaie de rester courtoise mais leurs vaines tentatives de drague me donnent envie de leur planter des fourchettes dans les mains. Je suis ici pour avoir la paix mais le destin s'acharne.

Je bâille et repousse le drap pour enfin sortir de mon lit. Bien qu'on soit déjà au beau milieu du printemps, il pleut encore. Ce temps achève de me déprimer. Je fume une cigarette à la fenêtre en observant la ville morne qui s'étend devant moi. Les montagnes s'élèvent derrière et cachent l'horizon. Parfois, j'ai l'impression d'être enfermée au milieu de nulle part.

J'écrase mon mégot en frissonnant et referme la fenêtre. Il fait plus froid que d'habitude, je vais mettre un pull. À dix heures moins le quart, je prends la route pour aller au travail, armée d'un parapluie et de mes écouteurs sans fils achetés à l'aéroport deux semaines en arrière. J'ai réalisé que sans musique dans les oreilles, j'allais redevenir folle.

Le pressentiment ressenti plus tôt s'accentue et je me stoppe enfin pour y réfléchir. Qu'est-ce que ça peut-être? Mon instinct est très fiable, il m'a toujours guidée dans la bonne direction. Si je fais l'erreur de ne pas l'écouter, les répercussions seront plus ou moins graves. La dernière fois, j'ai fini en prison. En ce moment, qu'est-ce que je crains le plus? Qu'on me retrouve très certainement... J'ai aussi peur pour Ethan, j'espère qu'il va bien. Si ça se trouve... Il m'a déjà retrouvée? Non... Ce ne serait pas angoissant si c'était simplement lui. Je n'ai qu'à continuer ma journée normalement en restant sur mes gardes.

J'arrive enfin au travail et enfile mon tablier et ma chemise avant de rejoindre ma patronne derrière le bar. Sa mine est plutôt inquiète et je sourcille. On s'est fait cambrioler? Ai-je bien refermé la porte hier soir? Ça expliquerait pourquoi j'appréhende quelque chose.

-Que se passe-t-il? osé-je demander.

-Oh bonjour Ayla... marmonne-t-elle. Tu dois déjà être au courant.

-De quoi?

Elle me fait un signe de tête en direction de la télévision accrochée au mur. La chaîne d'informations passe des images militaires de plusieurs attentats. En faisant plus attention, je reconnais certains endroits familiers et je comprends que c'est arrivé à New York.

-Des terroristes?

-Ils en parlent depuis hier soir, tu n'avais pas vu? s'étonne-t-elle.

-Non, admis-je.

Le journaliste apparaît à l'écran, l'air grave et fait quelques annonces. Rapidement, je comprends que ce n'est pas juste une attaque terroriste, la ville entière est submergée.

-Ils parlent de guerre civile...

Mon cœur se serre et des membres du FBI sont filmés en direct en train de courir et de se cacher pendant une explosion. Tout a l'air en cendres, les bâtiments brûlent s'ils ne sont pas en ruines, les gens fuient par milliers, les autoroutes sont bondées, on croirait assister à la fin du monde. Ethan est toujours là-bas... Il est...