4. Aucun remord

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Le filet de sécurité, dans lequel je venais de tomber, me donnait une impression de flottement irréel, comme si je volais. Je fixe le ciel bleu, presque inconsciente du fait que j'étais encore en vie. Ils n'avaient pas le droit, non, pas le droit de faire ça alors que je m'étais enfin résignée à mon sort, alors que j'avais décidé de quitter ce monde... Comment avaient-ils pu me refuser ce sort funeste?

J'éclate en larmes, complètement furieuse et décontenancée. Le bruit des cliquetis de leurs armes résonnent tous en même temps comme un sursaut dans mon âme et je les aperçois du coin de l'œil m'entourer prudemment. Ce qu'ils ne savaient pas, c'est que j'étais incapable de faire le moindre mouvement, bien trop choquée par ce qu'il venait de se passer. J'avais l'impression de remonter dans le temps émotionnellement, la dernière fois que je me suis sentie comme ça c'est le soir où, au lieu de rentrer sagement à la maison, j'ai suivi Richard jusqu'à chez lui pour le laisser me faire toutes ces choses... À l'époque, je ne connaissais rien de tout ça, je ne savais rien, je n'étais qu'une pauvre gamine détruite. En me réveillant le matin dans son lit, c'est comme si on m'avait sortie de ma chrysalide, que j'étais enfin devenue un papillon, cruel, sadique et vicieux. Là, c'est l'inverse, je me sens comme une chenille, faible, triste et morte à l'intérieur.

-PAS UN GESTE! RESTEZ OÙ VOUS ÊTES!

Un bruit familier me sort de mes pensées et je tourne lentement la tête vers la femme qui avançait vers moi sans discrétion sur ses hauts talons. Ses cheveux blonds brillaient davantage sous la lumière du jour et lorsqu'elle arrive à mon niveau elle retire ses lunettes de soleil. C'était cette pétasse qui était venue me poser des questions à la prison, l'agent Parker.

-Bonjour Ilona, beau temps pour se jeter d'un toit, n'est-ce pas?

Elle est en train de me provoquer? Elle ne sait clairement pas dans quel état je suis.

-Vous... C'est vous... Tout ça, c'est de votre faute...

-Si ça te fait plaisir de tout me mettre sur le dos, je t'en prie.

Je me redresse le souffle court et la dévisage sans pouvoir m'en empêcher.

-Vous vous rendez compte de ce que vous venez de faire...?

-Je t'ai sauvée, répond-t-elle de manière évidente.

-La ferme... LA FERME!

Je roule jusqu'à elle sur le filet et empoigne son cou complètement hors de moi. Les agents armés autour se font plus insistants avec leurs lourdes mitraillettes et elle lève sa main pour leur signaler de ne pas tirer.

-Je DEVAIS mourir! Vous comprenez? C'était MA fin, MON choix. J'avais enfin la possibilité de choisir comment j'allais mourir, et ça devait être ici et maintenant! VOUS N'AVIEZ PAS LE DROIT!

-Choisir sa mort à ton âge... C'est un peu tôt, tu ne trouves pas?

-J'ai déjà vécu toute ma vie, j'ai eu une carrière, une retraite en prison, seul le cimetière m'attend salope.

Elle passe outre l'insulte peu cordiale et malgré ma main autour de son cou, elle faisait preuve d'un sang froid déconcertant.

-Que dirais-tu de recommencer à zéro?

-Pourquoi tout le monde me prend pour un devin? Si vous en veniez au fait directement, on perdrait moins de temps.

-Je vais réaliser une expérience sociale avec bon nombre de détenus. J'aimerais que tu sois de la partie. En échange, une fois que le docteur Lewis estimera que tu es guérie, tu seras libre et tu pourras tout recommencer à zéro.

-Je crois que vous n'avez toujours pas compris, si j'ai sauté du toit c'est que je n'étais pas d'accord. Comment est-ce que je peux me montrer plus claire? Je dois rédiger une lettre? Peut-être vous le dire en chinois? Laissez-moi crever en paix bordel!

Bloody GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant