8. Ultime indice [T2]

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L'ambassade américaine est un immense cube surplombant la Tamise dans le district de Battersea. Nous sommes obligés de contourner un lac artificiel pour atteindre l'entrée principale. Un type avec l'accent britannique parle à toute vitesse et Ludivine l'écoute sans même le regarder. Je me contente de suivre en essayant d'ignorer le regard pesant de ma sœur. Le FBI? Tu bosses vraiment avec le FBI? avait-elle crié en se retrouvant face à la directrice. Je crois qu'elle n'a pas cru un traître mot de ce que je lui ai dit dans la voiture avant de débarquer dans le bunker. Mais depuis qu'on a décollé de New York, elle ne dit plus rien.

Nous traversons un genre de parc bondé de touristes qui prennent le bâtiment excentrique en photo. Des sortes de colonnes décorent la façade du toit au sol, c'est assez futuriste. Troye porte un nombre incalculable de choses et m'a chargé de transporter un énorme carton plus lourd qu'un cadavre.

-T'es vraiment surclassé pour un stagiaire, c'est louche!

-Si tu crois que j'ai rêvé de travailler avec toi toute ma vie, tu te trompes lourdement.

Sa réplique suffit à me convaincre et on entre enfin dans le grand hall. De là, une dizaine de personnes se précipitent dans notre direction pour serrer la main de Ludivine. Elle répond poliment, décrit brièvement la situation et demande à ce qu'on soit conduit dans notre département. Quelques minutes plus tard, au troisième étage, on rencontre le maire de New York qui s'est également établi ici.

-Pourquoi ne pas aller à Washington? C'est bien plus près.

-Ce n'est visiblement pas assez éloigné de New York. Ils craignent que l'influence s'étende sur toute la côte est, explique Troye. De plus, puisque notre mission prend un degré d'importance majeur, Londres est une excellente position, nous sommes au milieu de tout.

-Une importance majeure? répété-je.

-Richard a attaqué pour qu'on lui rende Ilona, mais il a compris qu'on ne l'avait pas. Il faut la retrouver avant lui pour exercer un moyen de pression et libérer la ville.

Je comprends un peu trop vite ce qu'il me dit et je pose brusquement le carton sur la table au milieu de la pièce.

-Vous la cherchez pour faire chanter Richard?

-Il est trop tard pour ça, tranche Ludivine en arrivant dans la conversation. Richard ne peut pas prendre le contrôle de New York maintenant que l'armée est sur place, mais il a réussi à instaurer une terreur. Les gens auront du mal à revenir, l'économie va s'effondrer, son organisation criminelle en tirera tous les profits.

-Alors pourquoi on cherche encore cette fille?

-Parce qu'il la cherche aussi. Tout ce qu'il veut, on le veut. Et avec un peu de chance, on se retrouvera tous au même endroit et on pourra enfin l'avoir.

-En réalité, tu n'as pas de plan défini à ce sujet, compris-je.

-Non, admet-elle. Je sais simplement que c'est notre dernière chance de le tuer pour calmer les crimes et montrer aux gens que le coupable est enfin hors d'état de nuire.

Couper la tête, arracher la racine. Voilà la stratégie.

-Quelque chose me dit, qu'elle y arrivera peut-être, ajoute-t-elle en baissant les yeux.

Je n'ai jamais vu Ludivine aussi démunie. Elle est accablée par la situation, forcée de constater qu'aucune de ses offensives n'a changé quoi que ce soit. Faux, elle a probablement sauvé des vies innocentes, empêché des débordements très graves, mais en vérité, elle n'a rien vu venir et c'est ce qui la décourage le plus. Si elle en arrive au point de compter sur Ilona, c'est que l'espoir n'est plus qu'un luxe qu'on ne peut même pas se permettre.

Bloody GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant