8. Semblables

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ILONA

-Et donc... Tu en es sûre? Il n'y a aucune cache d'armes illégales dans les égouts?

Le type penché au-dessus de moi me toisait et son haleine répugnante, que son chewing-gum à la menthe était loin de masquer, se cognait contre mon visage froid.

-Ouais.

Il ne me croyait pas, loin de là, pourtant je disais la vérité et c'était d'ailleurs la seule chose de vraie que je lui avais dit depuis une heure. Il se racle la gorge en se redressant - pour mon plus grand bonheur - et fait nerveusement cliqueter son stylo. Je ne supportais pas ce genre de petits bruits agaçants mais je n'avais pas envie qu'il revienne coller sa bouche devant mon nez. Ethan ricane dans mon dos, ayant compris pourquoi je grimaçais, lui aussi avait eu la malchance de se faire interroger de - beaucoup trop - près.

Nous étions réparti sur des chaises, avec une mini-table devant nous telle une salle de classe digne des lycées les plus catastrophiques d'Amérique. Lorsque nous sommes arrivés, les trois grands types en uniforme ont posé une feuille blanche devant chacun d'entre-nous, "Si quelque chose vous revient soudainement, n'hésitez pas à l'écrire" avait-il dit en prenant soin de nous adresser un clin d'œil qui se voulait complice. Qu'est-ce qu'ils peuvent être drôles ici... Je crois qu'on leur enseigne un tout autre humour pendant leur formation.

-Pendant que vous continuez de réfléchir, c'est important, nous allons vous passer en revue les règles de base pour vivre en osmose dans notre société!

Celui qui prenait la parole devant nous était le moins hostile des trois, il lui arrivait d'esquisser de brefs sourires que les autres réprouvaient d'un coup d'œil peu discret et peu aimable. D'un air de dire: "T'es agent du FBI, pas clown."

-Règle numéro une, qui semble banale à nos yeux mais peut-être pas aux vôtres, ne pas tuer. On ne tue pas quelqu'un sous prétexte qu'il nous a fait du mal ou qu'on ne l'aime pas. On ne tue pas non plus quelqu'un en échange d'une certaine somme d'argent. Tuer c'est mal, c'est inhumain.

On se croirait dans ces sectes ou groupes délirants pour "guérir" les homosexuels... Aimer un homme quand on est un homme c'est mal, aimer une femme quand on est une femme c'est mal, mais ne vous inquiétez pas nous allons vous soigner. J'ai vu ça dans une série, je n'en croyais pas mes yeux, comment peut-on encore croire que l'amour est une maladie? Je tue peut-être des gens, mais ceux qui renient leur gosse parce qu'il préfère les personnes du même sexe que lui sont à bannir et à chasser de la Terre.

-Ah oui parce que vous, le FBI, vous êtes bien placés pour dire ça, persiflé-je.

Les trois bonshommes me scrutent avec colère, tels des ouragans prêts à s'abattre sur moi si j'ose un mot de plus. Je crois qu'ils oublient rapidement qu'ils m'ont tiré une balle dans le crâne sous les ordres d'un vieux impatient sous prétexte qu'il en avait marre de me pourchasser à travers la ville. Il est écrit sur le site officiel de Bloody girl, qui relate tous mes méfaits et tout ce qu'on sait sur moi, que j'adore jouer au chat et à la souris. S'il ne sait pas lire, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même... Je me souviens avoir aimé les petits commentaires sarcastiques et les articles débordant d'originalité de la fille qui tenait ce blog, je lui avais envoyé un message pour la féliciter mais elle ne m'avait pas pris au sérieux. Pff... Encore quelqu'un qui se fait passer pour elle, merci mais ça ne marche plus! Si elle savait...

Des rires sonores s'élèvent dans la salle après ma réplique cinglante et ils tapent dans leur main pour dissiper le bruit. Je crois que mes relations avec les autres détenus s'amélioraient, ils ne me considéraient plus comme une pauvre gamine perdue depuis que j'avais tordu le poignet de l'autre pitbull, et ils m'appréciaient plus qu'ils ne le devraient grâce à mes répliques sarcastiques et le physique que je me traîne. De mon côté, je ne les trouvais plus si dérangeants que ça, mais je n'avais pas non plus envie de m'ouvrir à eux, j'ai toujours préféré la solitude.

Bloody GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant