Epilogue.

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Automne.

     Cela fait un an que les évènements qui ont secoué la région du lac se sont déroulés. Au bord de l'eau, platanes et bouleaux commencent à laisser tomber leurs feuilles, déjà bien rougies.

Je n'ai pas eu le courage de retourner dans la vallée durant l'été. Autour du lac, là où autrefois nous nous baignions, des banderoles ont été tendues pour empêcher l'activité des baigneurs. Sur les routes, les quais et les plages, des panneaux indiquent la nature de l'eau qui se trouve devant eux. Eau polluée.

La région du lac est morte. Plus de pêche, plus de baignade, plus de touristes. Les scandales qui ont éclaté l'année passée ont même fait fuir les skieurs de l'hiver. Plus personne ne vient ici, et même certains habitants commencent à déserter. Au milieu de tout ça, l'usine continue de tourner.

Mon père m'aide à sortir les cartons du camion, stationné devant la façade d'une belle maison, dans le centre du village. La pluie menace de tomber, il nous faut nous dépêcher. Nous bloquons toute la rue et cela pourrait finir par agacer.

— Ce studio est parfait ! se réjouit ma mère en entrant. Valentin, mon chéri, tu feras des heureux, ici.

Je dépose le dernier carton de déménagement sur le parquet du studio de danse qui s'étale tout au long de la pièce. Mon studio. L'héritage de ma grand-mère nous a permis d'acheter le rez-de-chaussée de cette vieille bâtisse, en pierre, comme je les aime. Et nous l'avons entièrement refait à neuf. Paul et les jumeaux m'ont bien aidé, et voilà qu'aujourd'hui, une nouvelle aventure commence pour moi. Quelques jeunes familles du village ont déjà inscrit leurs enfants à mes cours de danse, et je ressens à nouveau l'excitation du changement.

Je me pose devant une des grandes fenêtres qui composent la pièce. De sa hauteur, si l'on pose le regard au fond de la rue, on aperçoit le lac. Ses eaux toujours bleues, ses senteurs toujours vaseuses, ses mouvements calmes et gracieux.

Il y a un an, nous avons mis en lumière la nature de l'eau avec laquelle nous étions tant liés. A la fois eau de tous nos bonheurs et de tous malheurs. Nous avons donné une explication aux familles des victimes, et nous avons empêché que d'autres ne soient touchées. Mais la faute n'est pas celle du lac, elle vient de nous, tous, habitants de la vallée. Alors je refuse d'être de ceux qui disent qu'elle est morte, qu'il est temps de partir. Au contraire, il nous faut réparer nos erreurs. J'ai espoir qu'avec le temps, les eaux se purifient, l'air redevienne frais, les poissons remontent le lac pour donner naissance. Cela prendra du temps, il nous faudra du courage et de la détermination. Eduquer les générations futures, leurs expliquer le passé, pour que rien ne soit reproduit. Abandonner maintenant serait offrir sa perte à cette région si belle, ça n'est pas acceptable. Alors j'installe mon école de danse ici, et j'offre à ma manière une nouvelle vie à cette vallée. Tant qu'il y aura quelqu'un pour la contempler, elle ne sera perdue.

Mes mains tremblent, mon cœur palpite.

Un rayon de soleil vient se déposer sur les eaux du lac. En son centre, un kayak semble se dessiner. 

Jeunesse lève-toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant