Chapitre 14, hypothèse.

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— Yvon Fabre... , lit Charlie en zoomant sur la photographie qui se trouve sur mon téléphone. Son nom me dit quelque chose.

— C'est parce que tu l'as déjà entendu, lui explique Aglaé, fouillant dans les notes de son carnet. Là, regarde : Marie Fabre, elle travaille au département ! C'était la femme qui se trouvait sur la photo que nous a donnée André Tournel hier matin.

— Tu penses qu'ils ont un lien de parenté ? je demande.

— Carrément, s'exclame mon amie, regarde : ils sont mariés !

Elle me tend la recherche internet qu'elle a effectuée sur son téléphone. Et, effectivement, Marie et Yvon Fabre sont mariés depuis près de vingt-cinq ans.

— Valentin, t'as fait la découverte du siècle !

— Vous pensez qu'il est lui aussi lié à l'affaire du lac ? questionne Charlie.

— Ça ne fait aucun doute, la coïncidence est trop grande. D'abord, on apprend que deux politiques de la région font intervenir un jeune naturaliste pour protéger le lac des regards indiscrets sans raison évidente, puis, durant la même année, l'usine est construite. Usine dirigée par le conjoint de Marie Fabre. Ça fait beaucoup !

Assis autour de la petite table dans la grange des Chomin, nous buvons les paroles de Paul. Elles prennent sens dans nos esprits, et nous arrivons peu à peu à comprendre ce qui se trame.

— Je lis sur ce site qu'Yvon Fabre n'a pas été le premier directeur de l'usine, nous fait remarquer Aglaé. Il l'a rachetée peu après sa construction. Trois mois après le début des travaux, exactement.

— Etrange, je remarque. Pourquoi avoir fait construire une usine pour la vendre aussi vite.

— Rappelle-toi, l'ancien directeur aurait souhaité faire de l'aquaculture. N'ayant pas obtenu l'autorisation, son intérêt pour le lieu a peut-être baissé.

— Et le mari de Mme Fabre en aurait profité. Qu'est-ce que l'usine avait à lui offrir ?

— Il a l'air d'avoir le profil du parfait entrepreneur. Il a dû sentir le gain venir.

— Ou sa femme lui a soufflé l'idée... , je suppose alors.

— Que veux-tu dire ?

Je prends quelques instants pour mettre de l'ordre dans la multitude d'hypothèses qui me traversent. Celle que j'énonce à mes camarades m'est la plus logique :

— L'usine a quelque chose à se reprocher. Nous n'avons pas encore mis la main sur une preuve, mais c'est certain. Marie Fabre et Gérard Clausel ont senti les choses venir quand l'ancien directeur de l'usine a acheté le terrain et a reçu son permis de construire. Ils ont compris le potentiel qu'elle avait dans la région. Ils ont ainsi fait appel à André Tournel pour saboter les projets d'aquaculture et faire partir l'ancien directeur. Puis ils ont mis Yvon Fabre, le bon mari et grand entrepreneur à la tête afin d'avoir le plein contrôle sur les activités. Depuis, ils font fonctionner l'usine à plein régime, n'hésitant pas à utiliser les produits chimiques nécessaires pour agrandir la production et s'en mettre plein les poches.

— Mais alors, quel lien avec la malformation des truites ? essaie de comprendre Aglaé.

Avant que mes mots ne viennent expliquer mon raisonnement, Paul déclare :

— Ce sont les rejets de l'usine... Ils ne sont pas tous déclarés, et font des ravages.

— C'est ce que je pense aussi, avoué-je. M. Clausel et le couple Fabre sont de mèche dans cette affaire. Et personne ne vient vérifier, car ils les ont tous achetés... André Tournel est le premier vendu.

Jeunesse lève-toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant