Chapitre 17, le plan.

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     Il fait nuit noire sur le sentier qui descend jusqu'au village. Nous l'avons pris avec mes parents dans l'après-midi, mais dans la pénombre il est méconnaissable. Je peine à retrouver les balises qui sont censées me montrer le chemin, et mes pieds trébuchent à de nombreuses reprises sur les cailloux. Ma mère ne m'ayant pas rendu mon téléphone, seule la faible lueur de la lune permet de me guider. Mais elle n'est pas d'une grande aide. J'essaie d'éviter les champs où dorment les vaches et de ne pas m'effrayer au moindre son produit par un animal sauvage.

Malgré tout, je descends à toute vitesse, dévalant la pente à grandes enjambées, et me souciant peu des plaies qui entaillent mes genoux à chaque fois que je glisse sur le sol et m'y écrase. Je me dépêche, courant presque. Je veux retrouver Paul, Aglaé et Charlie, pour leur dévoiler mon plan. Il bouillonne en moi, m'apparaît parfaitement clair. Je n'ai plus de doute sur ce que nous devons faire. Je me suis engagé à les aider, je dois finir ce que j'ai commencé.

Je veux me servir de toute cette excitation pour faire ça ce soir. Qui sait, peut-être que demain la peur prendrait le dessus et me paralyserait pour agir. Je ne veux pas que ça arrive, je ne me le permettrais pas. Nous allons faire ça cette nuit, avant que le village se lève, avant que je ne me désiste.

Malgré ma course folle, je mets trois bonnes heures pour arriver jusqu'aux abords du village. Je suis épuisé. Mes mains, mes coudes et mes mollets sont couverts de petites plaies, je tiens à peine sur mes jambes et ma blessure au genou me lance plus que jamais. Je viens de bousiller des mois de rééducation, mais qu'importe. C'est presque un miracle que je ne me sois pas perdu sur la fin, alors que des nuages étaient venus dissimuler les quelques rayons de lune qui m'étaient offerts.

Ma montre m'indique les trois heures du matin. Le temps presse. Puisant dans mes dernières forces, je retrouve le sentier qui mène jusqu'à la maison de ma grand-mère. J'ai des choses à y récupérer. Le plus discrètement possible, je passe par la porte de la cuisine, laissée toujours ouverte, pour me faufiler jusqu'au premier étage. Tout le monde dort dans la maison, et les ronflements de mon oncle viennent animer le silence de la nuit.

Je prends une grande inspiration avant d'appuyer sur la poignée de la chambre où dorment ma cousine et Thomas. La porte s'entrouvre, et je m'immisce à l'intérieur de la pièce, le souffle retenu.

Dans le lit, le jeune couple semble endormi, et ne réagit pas à ma venue.

D'un rapide coup d'œil, je balaye la pièce du regard pour trouver ce que je cherche. Je ne vois quasiment rien, mais ma vue, habituée depuis des heures à l'obscurité, finit par triompher. Sur la pointe des pieds, j'attrape le sac à dos de Thomas, posé au pied de l'armoire, et m'enfuis avec autant de discrétion.

Ce n'est qu'une fois sorti de la maison que je me permets de respirer pleinement et de prendre le temps de me reposer un peu. Personne ne m'a vu, et la nuit est encore longue.

Je ne m'autorise qu'un repos de courte durée. Je mets très vite le sac sur mes épaules, et repars d'un pas déterminé réveiller les jumeaux, pour que nous nous retrouvions tous à la grange des Chomin, dans le meilleur des cas avant quatre heures du matin. Nous ne pouvons agir sans Paul. Il est le moteur de notre groupe, c'est lui la meilleure tête pensante, notre guide dans la nuit. Il nous faut le récupérer. Le soleil se lèvera à six heures trente, cela nous laissera le temps de consolider le plan, et de passer à l'acte.

Les rues du village sont désertes. Je rejoins la maison des jumeaux en moins d'un quart d'heure. Il ne sera pas difficile de les sortir du lit : avec la chaleur, les fenêtres de leurs chambres sont laissées ouvertes. Je lance une pomme de pin trouvée au sol à l'intérieur, puis une deuxième.

Jeunesse lève-toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant