Chapitre 19, aveux

118 36 23
                                    

     J'ai l'impression que c'est la fin, cette voiture se dresse face à nous comme l'épée de Damoclès. Nous avons poussé nos ambitions trop loin, nous nous en sommes pris à plus fort que nous, et il est temps que nous en subissions le prix.

La porte de la voiture s'ouvre, son conducteur en sort.

— Bon, vous montez ? nous lance-t-il. Ne me dites pas que vous allez grimper toute la montagne comme ça, vous avez l'air épuisés.

André Tournel nous lance un sourire auquel nous étions loin de nous attendre.

— Je vous cherche depuis ce matin. Vous n'êtes pas faciles à attraper, vous savez.

Nous restons silencieux, toujours sans avoir fait un mouvement. Comment sommes-nous censés réagir ?

— Vous nous voulez quoi ? finit par lui demander Paul, l'air contrarié.

— Déjà, vous arrêter. Puis, quand vous serez calmés, vous expliquer.

— Nous expliquer quoi, s'agace Aglaé, à quel point vous êtes un pourri ?

Ça ne plaît pas au naturaliste, un éclair traverse son regard. Il ferme les yeux un instant. Quand il les réouvre, sa colère ne semble pas dissipée.

— Bon, cessez vos enfantillages et montez. Vous avez déjà fait assez de conneries comme ça.

Il s'engouffre à nouveau dans sa voiture et referme la portière. Lorsqu'il donne un nouveau coup de klaxon, nous comprenons qu'il attend qu'on s'active.

— On y va ? je demande, peu rassuré.

— Est-ce qu'on a le choix ? me répond Paul en tirant le vélo pour le cacher dans le fossé.

— Et puis, il peut peut-être nous offrir la preuve qu'il nous manquait, ajoute Charlie en planquant le deuxième vélo.

Ils me convainquent rapidement et, une minute plus tard, nous laissons Paul monter sur le siège passager tandis que nous nous entassons, les jumeaux et moi, sur la banquette arrière. Sans un mot, André Tournel démarre le moteur, et nous voilà partis.

Je reconnais la route qu'il prend, c'est celle que nous avions empruntée lorsque nous nous étions rendus dans le hameau où il habite. Et mon pronostic ne se trompe pas : une dizaine de minutes plus tard, la voiture se gare devant chez lui.

— Attendez que j'ouvre la porte d'entrée, une fois que c'est fait, vous sortez de la voiture et vous entrez le plus vite possible. Compris ?

Nous hochons la tête, inquiets d'une si grosse précaution. Qui serait venu nous chercher jusqu'au hameau ?

L'opération se passe sans encombre. Nous suivons les consignes du naturaliste à la lettre et nous entrons chez lui.

Rien n'a changé. Les rideaux sont encore tirés, les insectes toujours affichés au mur. Notre hôte ferme le verrou de sa porte puis se tourne vers nous. Son regard est le même que celui qu'il nous a lancé tout à l'heure, sur la route. Il est en colère, contre nous, cette fois.

— Cette nuit, vous avez fait une grave connerie, finit-il par s'emporter lorsque nous nous retrouvons tous entassés dans le couloir. Mais qu'est-ce qui vous a pris ? Qu'est-ce qui ne va pas chez vous, les jeunes ? Toujours à fourrer votre nez partout, à vouloir tout savoir, tout dire, tout défendre, plus vite qu'il ne le faille ? Vous n'auriez pas pu vous taire, ou rester calmes comme j'ai si souvent voulu vous le faire comprendre ?

Nous restons silencieux, intimidés tout à coup.

— On a fait ce qu'il fallait, m'sieur, nous défend Aglaé.

Jeunesse lève-toi.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant