La chute des Héros p3

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Une foutue chance dont je me serais bien passée !

Trois jours auparavant Tôlem fêtait tout juste son seizième anniversaire dans la ferme de ses parents, situé à une demi-journée de marche de l'Altarie et à une journée de Seddis la Rouge. Pour l'occasion, son père l'avait absous des travaux inhérents à l'exploitation familiale le temps d'un après midi. Délivré de la corvée de traite et de la réparation des clôtures, Tôlem avait décidé de se rendre à Didyme, le village le plus proche, une bourgade d'environ trois milles âmes, afin d'acheter un cadeau pour l'élue de son cœur, la douce Asha.

Il pourrait ainsi enfin officialiser son amour pour la jeune fille de la ferme voisine. Même son père, si rude, serait ravi de cette union qui renforcerait durablement la famille.

Seulement rien ne se déroula comme Tôlem ne l'avait prévu.

Il sortait de chez Dame Galys avec en sa possession l'une de ces magnifiques parures très en vogue chez les jeunes femmes de la région - achetée à prix d'or avec l'ensemble de ses modestes économies - lorsque ses pas pressés croisèrent ceux d'un officier de Seddis.

Quelques jours auparavant, le Haut Conseil de Seddis, instance gouvernante de la région, avait déclaré que les villages voisins devaient désigner cinq cents jeunes hommes âgés d'au moins seize ans pour apporter leur contribution à la logistique de la grande armée des Cités Libres pour la bataille à venir.

Le hasard voulu que cet après midi là, l'officier que Tôlem bouscula en sortant précipitamment de l'échoppe était justement celui en charge des recrutements dans le village de Didyme.

Soixante-dix recrues.

Telle était la contribution qu'attendait le Haut Conseil de la part de la ville de Didyme.

Il manquait encore sept recrues à l'officier pour remplir sa mission.

Après un long sermon et moultes questions, Tôlem devenait la soixante quatrième recrue désignée de la ville de Didyme.

Encore sous le coup du terrible concours de circonstance qui venait de sceller son destin pour les jours à venir, Tôlem se hâta de retourner voir sa chère Asha, afin de lui ouvrir enfin son cœur et de partager avec elle les doutes qui l'assaillaient.

Pendant les heures chaudes de l'après-midi, Asha avait pour habitude de se rendre avec ses bêtes près du petit ruisseau jouxtant les pâturages, afin d'y trouver fraicheur et tranquillité.

Lorsque Tôlem y courut, les chèvres paissaient paisiblement au bord du ruisseau mais il ne trouva nulle trace d'Asha à leurs côtés.

Il l'appela tout d'abord sans succès, puis ses recherches le conduisirent au vieux moulin en ruine quelques centaines de pas en contrebas.

On disait la ruine hantée et ce fut la peur au ventre qu'il pénétra discrètement dans le bâtiment en partie effondré, craignant qu'un terrible malheur se soit abattu sur l'élue de son cœur.

Mais aucun mal ne se terrait au fond du vieux moulin, et lorsque Tôlem trouva enfin Asha, se fut pour découvrir la jeune femme à califourchon sur Grimmir, le fils du fermier voisin.

Tôlem jeta la parure à la rivière et se jura de plus jamais aimer.

Il passa le reste de la soirée et une partie de la nuit à sangloter, inconsolable, et ne parvient à trouver le sommeil que tard dans la nuit.

Le lendemain au petit matin, deux soldats de Seddis attendaient devant la porte de la ferme familiale.

Argumenter avec Fraôla, la matriarche de la famille, fut aisé. Le Haut Conseil donnait deux pièces d'argent par jour de service en dédommagement, davantage que Tôlem ne pouvait ramener après une bonne journée au marché de Didyme.

L'échange fut convenu.

Peu de temps après, Tôlem marchait pour le campement situé au bord de l'Altarie en compagnie des soixante-dix autres recrues.


Celui qui rêve sous la montagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant