Chapitre 3

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Mes yeux s'ouvrirent difficilement. Je rencontrais de nouveau la pièce qui me servait de prison. Mon visage bougea sur l'oreiller et je découvris qu'un repas était posé sur une chaise près de moi. Je poussais un long soupir, que je réitérais lorsque mon ventre émit un bruit. Je m'extirpais donc des draps, redressais le coussin et m'appuyais ensuite sur celui-ci en position assise. Je laissais mon crâne retomber contre le mur, et je fermais un instant mes yeux. Ensuite, je me résolus à attraper la nourriture, la posais sur mes jambes et commençais à manger. Cela me fit tout de même du bien et je fus assez rapide à manger. Je me rendis compte que j'avais bien plus faim que ce que je ne pensais et je me demandais pendant combien de temps j'avais encore dormi. Je scrutais la fenêtre de nouveau, il faisait encore jour. Je dégageais le plateau et m'apprêtais à me redresser lorsque la porte s'ouvrit de nouveau.

« A ta place, je resterais tranquille. L'alpha risque de revenir ici te faire la morale dans le cas contraire, me lança une rousse aux yeux clairs. »

Elle s'approcha en de rapides pas, récupéra finalement le plateau et alla le poser sur la commode plus loin. Sa stature était plus fine, paraissait fragile. Ce qui me poussa à lui demander :

« Quel est ton rang dans cette meute ? »

Ses longs cheveux furent remplacer par son visage pâle, elle aussi. Elle arqua un sourcil, me sondant de ses yeux bleus océans.

« Aucun, je suis humaine. »

J'arquais un sourcil, penchais mon visage et lui lançais :

« J'ai cru mal entendre.

-Ne sois pas cynique, Jessy, c'est ça ? Il n'y a rien d'étonnant à se mêler entre espèces. »

Je la regardais ahuris. S'ils tentaient de m'amadouer avec la seule humaine de la meute, qui devait donc nécessairement être l'âme sœur de l'un des leurs, alors ils avaient torts.

« Laisses-moi deviner, me moquais-je, tu es l'âme-sœur du bêta ? »

Elle se figea et se détourna pour m'analyser. Je notais que ses mains étaient emplis de médicament et de compresses.

« Tu es chasseur depuis ton enfance ? M'interrogea-t-elle. »

J'acquiesçais même si sa question sonnait plutôt telle une affirmation. Elle me sonda, un air contrit sur ses traits. Je notais que son regard glissa vers la porte et compris qu'il y avait sûrement un des fantassins de l'alpha qui surveillait ce qu'il se passait ici.

« Marnie, je suppose ? Tentais-je.

-En effet. Je suis infirmière de formation. »

Elle s'assit finalement sur le lit, après avoir avaler la distance entre la commode et mon lit en quelques pas rapides. Elle abandonna les quelques boîtes et liquides à mes côtés et redressa sa main pour venir la coller sur mon front.

« Tu n'es plus fiévreux, nota-t-elle.

-Je l'ai été ? M'étonnais-je.

-Quand l'alpha t'a ramené, oui. Tu as été en mauvais état pendant plusieurs jours. Puis tu t'es réveillé l'autre jour.

-J'ai dormi entre temps, soulignais-je. Combien de temps ?

-Une journée entière. Tu as été assez grièvement blessé à la jambe... C'est un miracle que tu sois en bonne voie de guérison. »

Combien de jours été passés depuis que Petra m'avait trahi pour ce foutu loup ? N'ayant plus envie de discuter, je restais donc silencieux le temps qu'elle s'occupe de moi. Je me laissais donc faire, découvrant lorsqu'elle retira les pansements que ma jambe était cousue. J'allais avoir de grosses cicatrices. Elle désinfecta ma jambe, prit soin de vérifier chaque cicatrice et eut quelques petits sourires satisfaits qui m'indiquèrent que les chairs reprenaient bien.

« Ne forces pas trop, dit-elle alors et ajouta d'un regard sérieux, je suis sérieuse. Si tu veux reprendre au plus vite des forces et te déplacer, ce sera plus sage. »

J'opinais, et osais finalement :

« Pourquoi me soignez-vous ? »

Elle me regarda honnêtement ahurie de ma question et j'arquais un sourcil en la jaugeant curieusement.

« Parce que c'est logique ? Se contenta-t-elle de dire.

-Une meute qui guérit un chasseur n'est pas logique. »

Elle eut un rire surpris, et secoua son visage avec incrédulité.

« Tu aimeras ton prochain comme toi-même*, déclara-t-elle alors. »

Je la dévisageais. Elle venait vraiment de me faire la référence au texte biblique ? Elle planta alors ses prunelles dans les miennes et m'indiqua :

« C'est la raison pour laquelle on te guérit.

-Comme si j'allais y croire. »

Elle haussa ses épaules, enveloppa ma jambe dans un nouveau bandage. Ensuite, elle déposa une bouteille d'eau sur le chevet à mes côtés ainsi que des médicaments.

« En cas de douleurs, m'indiqua-t-elle. »

Puis, elle ramassa tout – mon repas compris, et me salua poliment avant de disparaître par la porte qui me séparait de tous dans ce lieu. J'imaginais parfaitement que cette pièce était éloignée des autres, et aussi surveillée. Je soupirais, me notant que ça allait être long.

***

En milieu de nuit, je me réveillais de nouveau. La lune était descendante, la lumière tombait sur ma chambre et tout était terriblement silencieux. Outre le second passage de Marnie, je n'avais plus vue qui que ce soit et je passais mon temps à réfléchir et penser. C'était une réelle torture pour moi. Tout d'abord parce que j'avais toujours eu horreur de ne rien faire, et ensuite parce que j'ignorais tout ce qu'il se passait et je n'avais aucun contrôle sur ces lieux. De plus, je passais aussi mon temps à tourner de l'oeil, dormir, manger et me nettoyer avec un putain de seau d'eau et du savon. Agacé d'être alité, je désobéis volontairement aux conseils de Marnie l'humaine et me redressais pour au moins avoir une vue sur l'extérieur. Je faisais donc fi de la douleur et de l'effort que cela demandait. Je me dirigeais donc vers cette foutue fenêtre. Je l'atteignais finalement, et scrutais les alentours. Tout semblait calme. Même le ciel l'était, sans nuage et j'avais le loisir de voir les étoiles. C'était chose rare en ville, avec les lumières artificielles. Les chasseurs avaient tendance à s'installer en ville pour mieux se mêler aux humains quand beaucoup de créatures nocturnes vivaient recluses. Ceci me poussa à me demander ce que mon clan faisait actuellement, s'ils me cherchaient ou non. Une part de moi l'espérait mais une autre préférait que cela ne se passe pas. Là où je me trouvais était bien moins sécuritaire, et je voulais qu'ils restent cachés. Je posais mon bras sur la fenêtre, puis mon front et soufflais longuement. Cette situation merdique avait commencé dès lors que j'avais repéré Petra avec un de ces gars qu'on suspectait être un chihuahua. Au lieu d'avertir mes collègues, et sans vouloir trop y croire, je l'avais suivi. Quand j'avais été témoin de leur relation, au lieu de me la fermer, j'avais ouvert ma gueule comme à l'habitude. Je m'étais ensuite révolté. Or, je n'avais pas prévu qu'ils avaient un copain dans le coin qui m'assomme. La suite était claire, j'avais terminé dans la petite partie de chasse des métamorphes. J'étais maintenant ici. Mon palpitant se serra, et je portais ma main libre à ma poitrine. Ma mâchoire grinça, et j'expirais longuement. Ce fut à cet instant que mes pupilles captèrent un mouvement dans la masse sombre, et je m'intéressais de nouveau à la réalité. Je fronçais mes sourcils et me concentrais sur la silhouette qui se dessina parmi les ombres avec plus de clarté. Je notais qu'il s'agissait d'un loup gris foncé. La bête était plus énorme encore que toutes celles que j'avais vu au gang bang version chasse auquel j'avais participé sans mon consentement. Déjà que les chihuahuas étaient impressionnants parce qu'ils étaient bien plus grand, gros et mas-toque que les vrais loups, celui-ci était encore plus impressionnant. Il m'hypnotisait tellement il dégageait cette aura de puissance et je fis très vite le rapprochement lorsque deux orbes jaunes semblèrent se redresser jusqu'à ma fenêtre. J'en perdis alors l'équilibre, n'ayant pas vraiment envie d'une visite nocturne de l'alpha. Je n'étais pas sûr qu'il soit stable, et j'avais encore besoin d'être en vie pour retourner chez moi et revenir botter leur cul à cette meute de malheur. Désormais sur le cul, littéralement, je me dépêchais de me traîner jusqu'à mon lit. Rien que cette situation m'humiliait. Or, je devais penser à ma survie et tant que j'ignorais ce qu'ils me réservaient, je devais la jouer fine. Malheureusement.

*Marc 12:31, La Bible

Le clan Benett - T1 - Jessy - TerminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant