Chapitre 2 - La banque Baralys

208 43 124
                                    


Si les enfants dotés d'un pouvoir surnaturel étaient rares, ils n'étaient ni un tabou ni d'une singularité inestimable pour autant. Seulement l'Ordre faisait au quotidien tout son possible pour regrouper ces talents à exploiter. Ceux qui n'étaient pas déclarés dans le Registre vivaient certes dans la tranquillité, mais aussi et surtout dans l'illégalité totale. Livrés contre une belle compensation financière puis envoyés à Luxeth, l'école spécialisée située dans le sud du pays pour ceux qui en avaient l'âge, ou mis au service de l'Ordre dans le cas contraire, il leur était assuré une certaine stabilité. Pourtant, nombreux étaient ceux qui avaient choisi la liberté au droit. Alors dans une société ainsi rythmée, il arrivait que des dérapages se produisent, notamment de la part de ceux qui en abuseraient en se pensant tout puissant.

Toutefois, une attaque en plein jour, sur la place principale de la ville, restait impensable.

L'ambiance étouffante et stressante des événements de la banque Baralys planait sur Willsden. Les plus curieux des civils s'étaient rassemblés devant le bâtiment, dans l'attente de la suite, tandis que beaucoup avaient fui dans la direction opposée. Devant l'imposant édifice, les policiers paraissaient réfléchir à un plan d'action, voitures agglutinées, alors que la foule restait en retrait, séparée par la bande de délimitation de sécurité qui avait été dressée. Coupablement curieuses, Hisae et Ambre avaient évidemment fait comme beaucoup : elles avaient délaissé le café pour s'approcher de la banque et constater l'ampleur de la situation.

Au gré des minutes qui filaient, Hisae sentait l'inquiétude monter. Au milieu de la foule, elle serrait contre elle son sac de cours, comme si ce geste insignifiant pouvait l'aider à garder son calme. Pourtant, aux antipodes de ce qu'elle aurait espéré, son cœur reprit une course effrénée dans sa poitrine lorsqu'un nouveau coup de feu retentit jusqu'à l'extérieur. Fort, lourd, accablant ; suffisamment pour faire vibrer jusque chaque parcelle de son être.

L'espace d'un fol instant, le flux de son esprit entièrement brouillé par le brouhaha ambiant, elle envisagea jusqu'à la possibilité de se servir de son pouvoir sur cette foule en proie à la panique, mais se ravisa bien rapidement vis-à-vis de cette idée. Aux devants de la place, les policiers commençaient à s'agiter, à leur faire de grands signes pour les intimer à reculer et à s'éloigner. Il ne semblait plus y avoir de coup de feu prêt à détonner pourtant, aussi réceptive aux sons de par la nature de son pouvoir, la jeune femme avait encore l'impression de les entendre résonner en boucle contre les parois de son crâne. Douloureux, lancinants, ils faisaient siffler désagréablement ses oreilles, pulser son sang à ses tempes, vibrer ses membres.

Ce fut seulement en s'écartant de la foule pour aller s'asseoir quelque part qu'Hisae commença à réfléchir au temps qui s'était écoulé, depuis qu'elles avaient quitté le café. Si elle avait l'impression qu'une éternité venait de lui passer devant les yeux, elle prit conscience des courtes minutes qui la séparaient en réalité du moment où Ambre et elle avaient été tranquillement installées en terrasse.

Assise sur le rebord de la fontaine de la place principale, l'étudiante en profita pour se passer de l'eau sur le visage. Au loin, les policiers lui apparaissaient toujours distinctement, signe qu'ils n'étaient pas encore rentrés dans la banque. Sans doute devaient-ils prendre en considération le danger que couraient les otages.

Un bruissement d'air fouetté atteignit ses oreilles aussitôt qu'elle eut formulé ses réflexions intérieures sur la situation, et une silhouette lointaine découpa son champ de vision. Larges ailes noires déployées de part et d'autre de son dos, Kaedan Rughis s'éleva à travers le ciel dégagé, avant de se poser sur le toit du bâtiment. Quelques exclamations d'enthousiasme s'élevèrent à travers la foule. Agent et petit protégé de l'Ordre, il était connu à Willsden comme dans tout le pays et œuvrait sous ses ordres afin d'utiliser son individualité à leur service. Il n'était pas surprenant qu'il ait été envoyé pour résoudre un braquage et une prise d'otage de la sorte, lorsque ceux-ci faisaient jaser comme c'était actuellement le cas.

L'écho de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant