« Ekoryn, ça te dit quelque chose ? »
Hisae fronça les sourcils devant ce terme qu'elle entendait pour la première fois. Pourtant, il bourdonnait à ses oreilles comme un mauvais pressentiment. Le jeu de mot caché derrière ce qui s'apparentait à un pseudonyme, certes inconnu, sonnait comme familier, ce qui ne manqua pas de la faire déglutir.
— Jamais entendu, répondit-elle avec sincérité et droiture.
Le silence de Kaedan qui accueillit sa confession lui fit froid dans le dos. Son visage était désormais dépeint de tout air nonchalant ou désintéressé, et Hisae put observer de près ses sourcils blonds se froncer. C'était comme s'il réfléchissait à ce qu'il avait le droit de dire et ce qu'il se garderait de lui cacher.
Alors que ce calme des plus stressants volait entre eux, l'étudiante aperçut du coin de l'œil la silhouette assez familière d'une camarade de classe avec qui elle ne parlait pourtant pas spécialement, et qui avait de toute évidence occulté le cours de droit civil, elle également. La présence en ces lieux de personnes qui lui étaient aussi étroitement liées la fit se rendre compte qu'un café n'était pas le plus adapté pour parler avec quelqu'un comme Kaedan Rughis sur ce qui semblait être un sujet sérieux. Pourtant, l'appréhension qui faisait pulser son sang à ses veines lui indiquait très clairement qu'elle ne serait pas prête à attendre davantage encore, maintenant qu'il avait commencé à parler.
Les mains serrées autour de sa nouvelle tasse de café, elle considéra avec prudence la salle peu remplie du Café'In. Puis, dans l'attente d'explications qui paraissaient mettre une éternité à lui arriver, elle porta le breuvage à ses lèvres, pour laisser le fluide encore brûlant lui glisser dans la gorge.
— T'arrives à boire ça comme ça, sérieux ? C'est super amer, en plus d'être trop chaud !
Hisae fronça une nouvelle fois les sourcils, essayant de savoir s'il se moquait d'elle. Non content de lui retourner l'esprit, il fallait que maintenant, au beau milieu de cette conversation pourtant sérieuse, il change lui-même de sujet. Bien que cela ne faisait pas longtemps qu'elle l'avait face à lui, l'étudiante ne parvenait pas à le cerner, à savoir ce qu'il pensait réellement. Le voir à la télé de temps en temps était bien différent. Et moins irritant, aussi. Le petit sourire en coin qui étirait ses lèvres, sa manière de paraître à la fois détaché et concentré sur leur conversation, de saluer de brefs signes de la main les quelques passants qui le reconnaissaient à travers la vitre du café ; c'était pour le moins déconcertant.
— On peut en revenir à Ekoryn ? questionna la jeune femme, dont la patience commençait à être mise à rude épreuve, et il haussa les épaules.
— J'essaie de détendre l'atmosphère, là. T'as l'air un peu sur les nerfs.
— Non, j'attends juste que vous m'expliquiez.
Avec discrétion, le regard ambré de Kaedan arpenta l'intérieur du café pour s'assurer qu'il n'y avait personne à proximité.
— Je suppose que, comme tout le monde, tu sais que les personnes qui ont développé un pouvoir doivent en informer l'Ordre. Le Registre recense tous ces individus à travers le pays.
Une déglutition coula dans la gorge de la jeune femme. Visiblement, il ne savait pas à qui il avait affaire, et elle comptait bien garder son secret. Se laisser prendre de court reviendrait à gaffer, alors elle rétorqua :
— Évidemment, je suis peut-être pas la petite protégée de l'Ordre, moi, mais c'est pas pour autant que je reste enfermée dans le noir chez moi, indiqua-t-elle, alors que son regard brun glissait sur le bâtiment de sa fac, qu'elle distinguait de l'autre côté de la rue.
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L'écho de la nuit
Fantasía« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...