L'air frais qui enveloppait la ville de Willsden s'insinuait à travers les mailles des vêtements d'Hisae. L'obscurité l'enserrait toute entière, indomptable et dénuée de chaleur, et cette veste qu'elle avait enfilée se révéla de toute évidence être son meilleur choix des cinq derniers jours.
Aliska et ses deux coéquipiers s'éloignaient, s'engouffraient à travers cette nuit noire et impitoyable, et à chaque pas qu'ils exécutaient, elle en faisait un à son tour afin de ne pas les perdre de vue. D'une manière trop régulière pour que cela ne devienne pas le reflet d'une certaine angoisse, elle sentait cette sensation familière de l'écholocation parcourir son corps, glisser sur sa peau. De toute évidence, sa cadette était nerveuse. Chose rare, trop rare pour qu'elle ne ressente pas l'inquiétude et l'appréhension lui nouer l'estomac également.
D'après ce que sa sœur lui avait indiqué, Soren devait les conduire quelque part, dans ce qu'elle avait compris être le bâtiment désaffecté d'une ancienne blanchisserie. Et alors qu'ils arpentaient les ruelles les plus étroites pour s'enfoncer dans la pénombre, le mal-être d'Aliska lui paraissait résonner dans son esprit au gré de son pouvoir.
Après seulement quelques intersections à manquer de perdre leur trace, elle les aperçut s'infiltrer à travers l'ouverture d'une voie plus étriquée que les autres, et pénétrer par la suite dans ledit bâtiment désaffecté. La noirceur de la nuit et de la venelle dépourvue de lampadaires rendait l'accès difficile à voir, à tel point qu'elle l'aurait sans doute raté s'ils ne s'y étaient pas faufilés. Les secondes semblèrent durer des heures, alors que le silence sifflait à ses tympans, faisait vibrer d'une manière désagréable sa sensibilité aux ondes mécaniques.
Hisae resta ainsi pendant des minutes qu'elle ne compta plus. Plaquée contre la façade d'une maison à proximité, elle resta immobile, le cerveau en ébullition. La nuit lui paraissait plus glacée, plus dure, plus sombre ; presque trop, même pour un mois de janvier, à tel point que l'attente lui fut insupportable. Comme si quoi que ce soit avait pu se passer pendant ce laps de temps qui s'était écoulé depuis qu'elle et Aliska avaient quitté l'appartement, la jeune femme saisit son téléphone, dans la poche intérieure de sa veste, pour constater qu'elle n'avait aucun message. Pas de nouvelle de sa cadette.
Alors que l'écran éclairé illuminait son visage d'une lumière aveuglante, ses doigts glissèrent presque machinalement jusqu'à son répertoire, et plus particulièrement jusqu'au numéro de Kaedan Rughis.
Et si les choses dégénéraient à l'intérieur, là où elle ne pouvait pas aller ?
Elle ne pouvait de toute évidence pas continuer d'agir de la sorte sans le mettre au courant, pourtant l'angoisse qui lui emplissait les poumons obstruait tout raisonnement logique.
L'objet rangé dans sa poche, résolue à aborder rapidement avec lui le sujet si elle ne voulait pas que la situation finisse par la dépasser complètement, elle patienta encore quelques minutes. Ce fut lorsqu'elle émettait la perspective de s'approcher pour rentrer dans le bâtiment que ce bruissement d'air fouetté désormais familier vibra à ses oreilles. L'étudiante fit volte-face dans un sursaut, parcourue par un frisson qui ne lui disait rien qui vaille.
Et pourtant, avant même qu'elle n'ait le temps de réaliser la situation, il était là.
À quelques mètres d'elle, la silhouette de Kaedan découpait l'obscurité. Ses larges ailes noires ombrageaient le peu d'espace au sol qui avait encore la chance de bénéficier des faibles rayons de lumière des fenêtres de la façade contre laquelle ils étaient, et demeuraient étendues de part et d'autre de son dos, signe qu'il pouvait toujours décoller d'une seconde à l'autre sans prévenir. Et loin de l'amusement, loin de l'espièglerie, c'était une mine grave qui étirait les traits de son visage.
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L'écho de la nuit
Fantasia« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...