Le calme qui volait entre elle et Kaedan rendait Hisae assez nerveuse, d'une certaine manière. Non pas qu'elle se sentait spécialement intimidée, seulement elle se doutait bien que maintenant que son frère n'était plus avec eux, le sujet Aliska allait retomber. Elias était bien content d'avoir pu faire une partie de son trajet seul, après que son aînée l'eut déposé à la gare, mais elle savait très bien qu'il aurait préféré continuer de parler avec Kaedan pendant encore longtemps. L'étudiante en avait conscience : la prochaine fois qu'elle allait le voir, il lui poserait mille et une questions quant à la nature de leur lien, et comment elle le connaissait. Et malheureusement, elle ne pouvait absolument pas lui parler de la vérité.
De temps à autre, ses prunelles noisette détaillaient avec discrétion la silhouette du jeune homme. Son air confiant lui semblait porter quelque chose de nouveau, sans qu'Hisae ne parvienne à mettre le doigt sur le changement qui aurait pu s'opérer. Il restait Kaedan Rughis, et la simple idée qu'il parvenait à l'irriter en ne faisant rien lui arracha un petit rire discret. Sur cette pensée, les réminiscences de leur rencontre lui revint avec amertume en mémoire, avant d'être aussitôt remplacée par celui de son café renversé, le lendemain. Café renversé qui avait coulé jusqu'à tacher ses baskets blanches, chose qu'une camarade lui avait même fait remarquer – comme si elle n'avait pas vu.
La honte.
— Eh ben, qu'est-ce qui te fait cet effet ? C'est pas moi, quand même ?
Le ton chantant qui lui parvint l'extirpa à ses pensées, et elle aperçut l'éclair de malice qui dansa dans ses yeux. Elle devina que c'était en référence à ses pommettes qui avaient commencé à se colorer d'embarras.
Oui, il restait définitivement Kaedan. Il était toujours aussi irritant. Mais ce fait relevait maintenant plutôt d'une formalité que d'un réel ressentiment, surtout avec ce qu'il avait fait quelques instants plus tôt pour Elias. Un fin sourire étira ses lèvres.
— Merci, Kaedan, déclara Hisae en ancrant son regard au sien.
Il afficha une mine étonnée, visiblement surpris par une telle spontanéité et franchise, surtout au vu des taquineries qu'il avait prononcées juste avant. Hisae aperçut l'étincelle d'espièglerie mourir de ses iris, pour être remplacée par un sérieux qu'elle y avait encore peu décelé.
— Si mon pouvoir et ma notoriété peuvent au moins me permettre d'être utile pour les autres, j'aurai l'impression d'avoir accompli quelque chose.
Ses prunelles mordorées avaient trouvé avec nostalgie le ciel, et Hisae ne put passer à côté du ton mordant de sa voix. À cette simple constatation, la jeune femme prit la peine de considérer les ailes noires qui l'entouraient presque, elle aussi, de par leur proximité alors qu'ils longeaient sans réel but le trottoir. Il lui avait toujours semblé aussi libre que le vent qui le portait, dans les airs, à apparaître et disparaître à sa guise et à la prendre par surprise à chaque fois.
S'il paraissait pourtant avoir des impératifs, au vu des coups de fil qu'il recevait en sa compagnie, il n'en avait jamais démontré la moindre amertume. Pourtant, à cet instant précis, son ressentiment la heurtait de plein fouet. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il avait pu vivre par le passé, de ce à quoi ses années à Luxeth pouvaient bien ressembler. En dépit de ses airs d'homme flâneur et volage, il était en réalité loin d'être libre.
— Bon, t'en es où avec Ekoryn ?
Hisae grimaça. Plus de pincette, plus de nostalgie. Le sérieux volait toujours dans l'air, mais il fallait croire que Kaedan s'était déjà lassé de ce moment d'émotion qui l'avait pris. Et au vu du sujet qu'il lançait avec autant de détachement, l'étudiante aurait préféré que la situation se fige sur ce qu'elle était quelques secondes plus tôt.
VOUS LISEZ
L'écho de la nuit
Fantasy« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...