Hisae avait brièvement eu le temps de faire un crochet par chez elle afin de se préparer, avant de rejoindre la faculté. Allongée et endormie dans le canapé déplié qui lui servait de lit, Aliska avait à peine bougé, et ce malgré la lumière et le bruit que son aînée avait été obligée de faire. Elles n'avaient ainsi pas eu l'occasion d'échanger le moindre mot au sujet de ce qui était arrivé au cours de la nuit, et c'était la boule au ventre qu'Hisae avait par conséquent rejoint l'amphithéâtre de sa première heure de cours.La jeune femme ne savait plus à quand pouvait bien remonter le dernier cours de droit civil qu'elle avait suivi. Et à en juger par la réaction des autres étudiants lorsqu'ils l'avaient vue, cela devait faire trop longtemps. Pourtant, elle avait vite eu l'occasion de regretter s'être déplacée.
« T'es venue pour voir les résultats du semestre ? » l'avait interrogée Victoire, l'une de ses camarades, lors de leur pause – comme si le flux de ses pensées n'était pas déjà suffisamment mouvementé. Le sang d'Hisae s'était figé dans ses veines à cette mention, et elle devait bien admettre que la perspective de retourner chez elle pour le reste de la journée lui avait effleuré l'esprit.
Pourtant, lorsque les résultats s'étaient retrouvés imprimés sur sa rétine, l'étudiante était restée de marbre. L'euphorie, les pleurs, la déception ; toutes les émotions qui volaient dans l'air tout autour d'elle ne l'atteignaient pas. Trop dérisoires et insignifiantes face à ce que pouvaient réveiller en elle les souvenirs de la nuit précédente ; ils surgissaient en boucle encore et encore aux confins de sa mémoire, pour balayer son échec visiblement cuisant aux examens.
Ajournée en droit civil, et en droit public – le comble. Ce n'était pas tant une fatalité en soi ; seulement des soucis supplémentaires auxquels elle n'avait pas le temps de penser.
Lorsqu'elle avait quitté le bâtiment principal de sa fac, en milieu d'après-midi, pour rejoindre le collège d'Elias et aller le récupérer, elle avait toutefois eu plus que largement le temps de méditer sur le sujet. Sur toutes ses matières passées et en dépit des conditions déplorables de ses révisions, seules deux d'entre elles étaient passées entre les mailles du filet de la réussite. D'une certaine manière, le fait de n'avoir que deux matières à rattraper relevait même presque du miracle, au vu de son rapport avec les cours sur les dernières semaines. Car au fond d'elle, elle le savait depuis qu'elle avait posé son stylo après le premier examen : il n'y avait aucune chance pour qu'elle réussisse.
— Hisa, c'est pas grave, tenta de la rassurer son petit frère, alors qu'ils arrivaient devant l'habitation de son enfance. Tu vas gérer les rattrapages, t'as encore plein de temps pour réviser !
L'esquisse d'un fin sourire mélancolique naquit sur les lèvres de l'aînée. « Plein de temps » qui correspondait à plusieurs mois, encore fallait-il qu'elle se mette en effet à réviser. Il ne connaissait pas l'ampleur de la situation, pourtant il faisait de son mieux pour la rassurer... Il était impossible qu'elle reste de marbre.
— J'y compte bien le moustique, souffla-t-elle en lui ébouriffant le crâne. Allez rentre, et tu passeras le coucou à maman de ma part.
Le visage de l'adolescent se crispa quelque peu à ces mots, et Hisae préféra éviter le sujet – elle savait très bien que leur mère déplorait le fait qu'elle ne s'arrête plus chez eux. Elias saisit à pleines paumes les anses de son sac à dos, prêt à bomber le torse.
— OK, mais dis à Ali qu'elle me manque, alors.
Bien malgré elle, la jeune femme sentit ses lèvres s'entrouvrir de surprise. Il lui fallut le temps de la réflexion, avant que l'empathie ne domine l'intégralité de ses émotions : tout comme elle fuyait leur mère, elle comprenait désormais pourquoi Aliska se faisait également distante avec leur famille depuis tout ce temps. La vague de réalisation qui lui revint en pleine face fut d'une violence inouïe, si bien qu'elle dut se ressaisir pour répondre :
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L'écho de la nuit
Fantasy« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...