Depuis qu'Aliska avait appris par sa sœur ce qu'il s'était passé pour Elias au collège, la culpabilité qui lui rongeait les entrailles depuis des mois s'était faite plus violente encore. Que des problèmes lui tombent sur la tête, à elle, passait encore. Mais en dépit des apparences et de ce qu'elle laissait paraître, son frère restait la prunelle de ses yeux.
Malgré tous les événements auxquels elle avait dû faire face, au cours des quelques dernières années. Malgré la haine et le mépris de Stelian, le mal-être qu'il avait causé chez elle. Malgré les bouteilles à la mer que la jeune fille avait vainement lancées... Ce qui lui brisait le plus le cœur était bien l'idée qu'à seulement treize ans, il en subissait encore les conséquences, lui aussi.
— Ali, tu manges pas ?
La voix timide d'Elias l'arracha à ses pensées, si bien qu'elle secoua légèrement la tête, comme pour se remettre les idées en place. Sa mâchoire se mouvait au gré de la nourriture qu'il mettait avec rapidité dans sa bouche, et le sourire qu'il refrénait venait contraster avec la moue inquiète qui habillait les traits de son visage.
— Si, désolée, je pensais juste à un truc pour la fac, mentit-elle pour éviter toute question.
— T'es sûre que tu voulais venir ici ?
Le front d'Aliska se plissa naturellement face aux mots hésitants de son frère, avant qu'il ne reprenne :
— En fait, j'étais surpris quand tu m'as dit que tu voulais m'emmener manger quelque part, avoua le garçon en resserrant l'étreinte autour de ses couverts. Et comme t'as pas l'air contente...
Aliska prit le temps de considérer son regard fuyant alors que son esprit tentait de se concentrer du mieux qu'il le pouvait sur tout, sauf son cœur qui lui semblait se comprimer dans sa poitrine. Son absence au cours des derniers mois lui revenait en plein visage avec une douleur qu'elle n'avait pas anticipée. La distance entre eux semblait plus grande que jamais, et ce simple constat la fit déglutir.
Elle ne devait pas laisser ses doutes transparaître.
— Je suis contente d'être là avec toi, sourit-elle avec douceur. Ça fait longtemps que je t'avais pas vu.
Les pommettes du garçon se teintèrent d'un délicat rose attendrissant, alors qu'il approchait de nouveau la nourriture de ses lèvres, et l'étirement qui les habilla n'échappa pas à sa sœur. Malgré son incompréhension, il était touché et content d'être ici, lui aussi. Elias avait toujours eu cette innocence touchante, et à le voir des mois après de la sorte, Aliska se le reprenait en pleine face.
— On venait souvent ici avec ma maman quand on était plus petites. Je sais qu'Hisa y vient encore régulièrement, expliqua-t-elle, sans se défaire de ce sourire doux qu'Elias faisait partie des rares à avoir le droit de voir.
L'écriteau à la craie « Chez Paul'ine » lui apparut comme un paysage mélancolique
— Elle m'en avait parlé, réfléchit le collégien. D'ailleurs, pourquoi tu voulais pas qu'elle et maman le sachent ? J'ai galéré pour trouver un mensonge crédible pour que maman accepte que je sorte, tu sais.
— Désolée, c'est un peu compliqué en ce moment.
Le regard brun de la jeune femme se posa sur sa fourchette, qu'elle tenait du bout des doigts. Un souffle d'amertume glissa entre ses lèvres entrouvertes.
— Je me sentais pas capable d'affronter leur interrogatoire.
Mais j'avais besoin de passer du temps avec toi.
Et je voulais pas rentrer voir Hisae.
Depuis les galères dans lesquelles Soren s'était embourbé, les choses étaient effectivement devenues compliquées. Même si Alexein semblait prêt à rester à ses côtés à elle, ce petit recul que la situation lui avait permis de prendre, au cours des derniers jours, lui faisait autant de bien qu'il l'achevait.
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L'écho de la nuit
Fantasy« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...