Hisae ne parvenait pas bien à discerner la conversation visiblement cruciale qui prenait place à quelques mètres d'elle. Les bribes de mots flottaient dans l'air pour parfois effleurer ses tympans, ou pour parfois simplement mourir à portée de main. Cela ne faisait pas bien longtemps qu'Aliska avait délaissé ses côtés pour rejoindre ses deux amis, et si elle lui avait indiqué qu'elle la couvrirait à l'aide de mensonges et de son pouvoir si nécessaire, une certaine appréhension lui semblait parcourir chacun de ses muscles.
Cachée derrière la paroi d'une habitation et plaquée contre la façade en pierre glacée, elle passait de temps à autre le haut de la tête pour observer la scène, dans une vaine tentative de percer l'obscurité. Une faible brise glacée faisait voler les mèches argentées de ses cheveux détachés, au même titre qu'elle déplaçait sans doute de manière imperceptible la couche nuageuse, à tel point qu'il arrivait parfois que quelques rayons blanchâtres la traversent, pour lui offrir quelques secondes une meilleure vue.
— Et pourquoi ?
Ce haussement de voix fit sursauter l'étudiante, qui se raidit de tout son long. Un frisson lui remonta l'échine, et dans un réflexe naturel, elle se plaqua contre la paroi. Ce sentiment si singulier de l'écholocation glissa sur sa peau, signe qu'Aliska s'assurait toujours que personne n'approche, mais également qu'elle restait bien docilement cachée comme elle le lui avait demandé.
La jeune femme avait l'impression de sentir chaque battement de son cœur pulser à un rythme plus fort encore que le précédent, prêt à quitter sa poitrine à tout moment. L'angoisse de ne pas savoir ce qu'ils se disaient l'étreignait, mais plus que tout, elle craignait ce qui pourrait arriver à Aliska si sa présence se retrouvait ainsi exposée. Et sans doute sa cadette capta-t-elle son pouls irrégulier, car cette sensation familière relative à son pouvoir courut sur son corps à plusieurs reprises, de moins en moins espacées les unes des autres.
Reste calme.
Les minutes lui parurent défiler avec une lenteur extrême. La fatigue commençait à endolorir ses membres, son esprit, et pourtant elle restait plus alerte que jamais, réceptive au moindre son susceptible de la faire vibrer. Après ce qui lui sembla être une éternité, les chuchotements dont elle ne parvenait pas à saisir le sens s'éteignirent, pour que le calme revienne bercer la nuit noire et froide.
Ce fut seulement en considérant discrètement l'heure sur son smartphone qu'Hisae se souvint que le numéro de téléphone de Kaedan Rughis figurait désormais parmi sa liste de contacts.
« Interdiction d'agir seules et de faire des trucs débiles, compris ? »
Concrètement, elles n'avaient encore rien fait de stupide. Aliska s'était simplement rendue à la rencontre de ses amis, tandis qu'elle, elle était restée cachée. Elles n'avaient pas pris le moindre risque et n'avaient même pas fait face à une situation qu'elles n'auraient pas maîtrisée. Kaedan n'avait pas à être mis au courant pour si peu.
Pourtant, malgré toute l'ardeur qu'elle mettait à s'auto-persuader, une pointe de culpabilité lui enserrait la poitrine.
— Tu veux que je te raccompagne ? s'éleva une voix masculine en approche.
Réflexe instinctif, Hisae rangea sur-le-champ son téléphone, alarmée à l'idée que la lumière qu'il émettait puisse attirer l'attention à travers la pénombre. Quelques bruits de pas se rapprochèrent, et ce constat suffit à refaire accélérer la course de son rythme cardiaque, qui avait pourtant pris du répit au cours des dernières minutes.
— C'est bon, t'inquiète, j'ai l'habitude de rentrer seule à cette heure, répondit Aliska.
— Comme tu veux. Écoute, par rapport à ce qu'Unchained a dit...
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L'écho de la nuit
Fantasy« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...