Chapitre 7 - Autour d'un café

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Si Kaedan n'avait pas été là, sans doute Hisae aurait-elle fondu en larmes sous le coup de l'adrénaline relâchée par son corps. Pendant plus d'une semaine, les paroles qu'il lui avait adressées avaient résonné en boucle dans son esprit, sans l'atteindre pour autant. Pourtant, à ce moment, ce fut comme si la bulle de déni dans laquelle elle s'était enfermée n'avait été là que pour la protéger un temps, avant d'éclater. Le cœur éploré, elle restait immobile et silencieuse.

C'était comme si le jeune homme respectait ce fait, car lui non plus n'avait pas esquissé le moindre mouvement, prononcé le moindre mot. Au gré du soleil sans chaleur qui s'imposait peu à peu, les minutes défilèrent avec une lenteur extrême. Sa voix vint finalement faire écho aux oreilles de l'étudiante, après des secondes infinies :

— T'habites loin ?

— Euh, balbutia-t-elle seulement, le choc l'empêchant de faire le tri dans ses idées – à tel point qu'elle oublia un court instant la réponse à une question pourtant aussi simple.

— Si t'habites loin, ta sœur doit pas encore être arrivée. Je peux te déposer pour que tu rentres avant elle.

Si elle voulait éviter qu'Aliska soit au courant de sa sortie nocturne, il aurait effectivement mieux valu qu'elle rentre avant elle. Pourtant, ses sentiments étaient bien trop confus pour qu'elle ne sache quoi penser, quoi faire. Sa tête lui paraissait sur le point d'exploser, l'empêchant d'organiser sa réflexion. Une seule chose était certaine : elle ne voulait pas rentrer.

— Je dois être à deux kilomètres d'ici, réfléchit-elle.

— Je te ramène ? questionna-t-il en déployant ses ailes.

— Non merci, je veux pas rentrer maintenant. Je trouverai une excuse pour Ali.

Une œillade à son téléphone rythma sa phrase.

— C'est bientôt six heures, reprit-elle. Je devrais pas tarder à me lever pour aller en cours, de toute façon.

Les rayons les plus timides du soleil vinrent doucement caresser ses joues, et le bout de son nez, mais un nuage de buée blanche s'échappa de ses lèvres, rappel du froid de janvier. La nébulosité s'évanouissait peu à peu au même titre que la nuit, si bien que les nuages les plus persistants se retrouvaient illuminés d'une délicate teinte orangée. À la simple observation de ce spectacle, comme si son corps était programmé, un creux se fit ressentir dans l'estomac de l'étudiante, habituée à déjeuner aussitôt qu'elle se levait.

— Y'a un café à côté de la fac, lâcha-t-elle spontanément. Ils ouvrent tôt, je vais y aller en attendant que les cours commencent.

Kaedan considéra la situation l'espace de quelques secondes, en levant les yeux en direction du ciel. Les traits de son visage, qui s'étaient crispés sous le sérieux de la situation, eurent le mérite de se détendre à ces mots. Hisae ne prit toutefois pas la peine de s'interroger quant à ce qu'il pouvait bien se dire.

— Le même que la dernière fois ?

— Ah... oui.

— Alors on va à ce café, c'est moi qui paye, lâcha-t-il, avant de lui adresser un clin d'œil devant sa mine surprise. Pour de vrai cette fois, pas comme l'autre fois.

Hisae cligna des paupières à plusieurs reprises, avant de capituler. Qu'il l'accompagne l'arrangeait bien, dans le fond, car il lui restait bon nombre de questions encore en suspens, et qu'elle pourrait ainsi lui poser. Elle n'était pas certaine qu'il accepterait de lui répondre, et la perspective qu'elle s'expose elle-même à un interrogatoire ne lui disait rien qui vaille, mais elle devait au moins satisfaire sa coupable curiosité.

L'écho de la nuitOù les histoires vivent. Découvrez maintenant