Le froid mordant d'un hiver déjà bien entamé enveloppait Soren Axton, au gré de sa marche à travers les ruelles sombres de Willsden. Les intersections familières coulaient sous ses pupilles noires les unes après les autres, se soustrayaient à ce chemin tout tracé et trop emprunté pour qu'il ne le connaisse pas par cœur. La nuit régnait en Maître, féroce et indomptable ; antre de toutes les angoisses, repaire de ses secrets.Plus que jamais, l'azur de ses iris arpentait avec précaution la situation. Bras à la perpendiculaire de son corps, doigts écartés en prévention d'une nécessité urgente de plier à l'utilisation de ses chaînes ; il restait plus alerte que jamais.
La pression inconsciente fut relâchée lorsque le petit renfoncement familier de la ruelle lui apparut, camouflé par la végétation et la pénombre ; et comme à chaque fois qu'il venait, il ne put s'empêcher de se dire qu'il fallait vraiment chercher cet endroit pour réussir à le voir. Il s'y enfonça avant de pousser avec force et détermination l'épaisse et lourde porte. À l'instant précis où il en traversa l'embrasure, le jeune homme sentit la touffeur se poser sur son corps, en opposition parfaite et cruelle avec l'air de l'extérieur.
Le brouhaha lui apparut de manière immédiate, mélange de ces cris d'enthousiasme et de l'exaltation qu'il côtoyait désormais au quotidien. Le ring mis en évidence par les spots au plafond, le combat qui se livrait aux yeux de tous, la moiteur désagréable de la pièce ; Soren ne porta attention à aucun des éléments qui lui importaient pourtant habituellement. À coups de grandes enjambées, il traversa la foule compacte pour se frayer un chemin jusqu'à la porte intérieure, qu'il put franchir lorsque les gardes chargés de la surveiller le reconnurent.
Le tumulte qui résonnait de l'autre côté de la paroi en béton épais lui devint étouffé à l'instant où la porte de métal brut se referma à la suite de sa silhouette. L'adolescent inspira un bon coup pour gorger ses poumons de l'air bien plus respirable qui emplissait les lieux, dénué de la poisse et du malaise qui commençaient à devenir trop familiers. Les individus qui croisèrent son regard incisif ne lui accordèrent pas la moindre attention, et il devait bien admettre n'en avoir cure. Soren savait où il allait, il connaissait désormais le bâtiment comme sa poche, pour l'avoir arpenté à de nombreuses reprises.
Ce fut le pas empli de ses nerfs, de sa colère et de sa rancœur qu'il gravit l'escalier en colimaçon pour atteindre le premier étage. Ses pieds foulèrent le sol de frustration, ses doigts prêts à utiliser son pouvoir palpitaient de précipitation. Pourtant, il se stoppa net devant la salle ouverte qu'il distingua – si cette porte était toujours fermée, ce n'était pas pour rien.
— Unchained, tu es monté vite, s'éleva une voix calme et familière, qu'il identifia aussitôt comme celle de son supérieur, connu à leurs yeux uniquement sous le pseudonyme de Cygnus.
Posté dos à lui pour lui faire comprendre que, en dépit de son ressentiment palpable, il ne ressentait pas la moindre peur à son égard, l'homme observait le ring en contrebas. Sa chevelure blonde, ramenée en arrière avec précision, ne découpait que de manière indistincte les lieux inondés d'une faible lumière. La pièce, vide de mobilier, paraissait plus étouffante qu'elle ne l'avait jamais été, au même titre que les murs en béton brut et usé caractéristiques de ce bâtiment désaffecté.
— Ferme la porte. Tu voulais me parler, n'est-ce pas ?
Dans un froncement de sourcils, Soren s'exécuta, avant d'avancer en sa direction.
— Deux types nous ont attaqués, hier, lâcha-t-il de but en blanc, d'un ton qui traduisait l'accusation qu'il lançait. Vous en savez quelque chose, n'est-ce pas ?
Le calme tomba sur leurs deux silhouettes, lourd et chargé d'une tension que Soren n'était pas sans ignorer. Face à lui, Cygnus bougea le poignet, et si le jeune homme en retint son souffle, seul le son d'une articulation qui craque retentit. Avec lenteur, il se retourna pour lui faire face, et ainsi dévoiler l'esquisse du sourire qui étirait ses lèvres, l'éclat de dureté qui dansait dans ses iris aussi sombres que la nuit. L'adolescent serra les dents. Loin de se démonter pour autant, il reprit :
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L'écho de la nuit
Fantasía« Vous voulez lui faire courir des risques sous couvert d'épargner notre liberté, en dépit des mauvaises choses qu'elle a faites ? Vous dites n'être ni un super-héros au nom de l'Ordre, ni un flic, et je suis bien d'accord : un tel comportement n'a...